Paludisme : l’OMS sort un rapport alarmant
Plus de trois mille décès en 2016, selon des experts de l’OMS. Les cas de paludisme enregistrés sont supérieurs à sept millions. Ils appellent aux actions d’urgence.
« Les données collectées et autres informations suggèrent qu’une épidémie de paludisme de grande magnitude sévit au Burundi particulièrement en 2016 », résument les experts de l’OMS, selon une enquête menée dans quatre provinces : Kirundo, Muyinga, Ngozi et Gitega. Dans leur rapport de fin janvier 2017, ils affirment que cette épidémie est encore dans sa phase ascendante. Des chiffres sont éloquents : en 2014 plus de quatre millions de cas de paludisme ont été enregistrés ; en 2015, plus de cinq millions pour dépasser, en 2016, la barre des sept millions, soit plus de 50% de la population burundaise. Et 3774 décès sont répertoriés en 2016. En 2014, poursuivent-ils, le taux d’incidence était de 51,9%. « Le paludisme constituait 42 % des motifs de consultation générale enregistrés dans les centres de santé et il était responsable de 23,4% de décès hospitaliers », précisent ces experts, soulignant que cette maladie est le premier problème de santé publique au Burundi.
Le Centre Anti-malaria Saint-François d’Assise de Kamenge (Aluma-Burundi) abonde dans le même sens : « Le paludisme représente près de 50% des consultations externes dans les centres de santé. Parmi elles, 40,13% sont des enfants de moins de cinq ans. »
Les changements climatiques, la montée de la malnutrition sévère, les retards dans l’analyse de rapports de surveillance hebdomadaire à tous les niveaux, la faible couverture des activités de prévention… sont parmi les facteurs de cette épidémie, selon ces experts. Et Albert Mbonerane, représentant légal d’Aluma-Burundi d’ajouter à cette liste la faible sensibilisation du public sur le danger de la malaria. « Ainsi, au lieu de se rendre au centre de santé, les malades priorisent les féticheurs. » Selon lui, il manque un mécanisme de suivi après la distribution des moustiquaires. « Il y en a qui les utilisent pour d’autres fins nocives à l’environnement, comme la pêche ou la protection de quelques cultures. D’autres n’ont pas de lits pour les installer. »
Des actions concrètes, une nécessité
Ces experts indiquent que cette épidémie touche surtout les districts sanitaires du Nord, Centre et Ouest. Et d’alerter qu’en 2017, la tendance actuelle ne fléchit pas.
Pour sa part, Dionise Nizigiyimana, chargé de la lutte contre la malaria au ministère de la Santé publique, reconnaît que les chiffres sont alarmants. Néanmoins, il affirme que le taux tend à la baisse depuis janvier 2017.
Les experts de l’OMS recommandent, entre autres, l’élaboration d’un plan de riposte national. « Il doit être suivi par un autre au niveau de chaque province et district touché », lancent-ils. Ils parlent aussi d’une urgence d’organiser des campagnes de traitements de masse. Et celles-ci doivent être accompagnées par des mesures de lutte anti-vectorielle. « La distribution des moustiquaires de qualité et imprégnées doit se poursuivre.»
M. Mbonerane estime que l’utilisation des moustiquaires ne suffit pas : « Il faut investir dans la pulvérisation intra-domiciliaire. » Il propose également d’assainir l’environnement proche des habitations, d’éviter la stagnation des eaux constituant des abris préférentiels pour la multiplication des moustiques. Il faut éviter des ruptures de stocks en médicaments dans les centres de santé. « Une évaluation de l’efficacité des médicaments comme la molécule d’artesunate et amodiaquine devrait être faite pour vérifier s’il n’y a pas de résistance.»