oct
23
2022

Présidentielle en 2023 : «Si on respecte les délais, c’est clair qu’on aura des résultats bâclés», selon Ithiel Batumike

Inquiétude au Congo-Kinshasa en vue des élections de décembre 2023. Pour le Groupe d’études sur le Congo et l’institut congolais de recherche Ebuteli, « le respect des délais est un enjeu moins important que la transparence du processus électoral ».

Les deux centres de recherches l’affirment dans un rapport commun qu’ils ont publié hier (mardi) sous le titre Élections à l’ère de Tshisekedi – Un mauvais départ ?. Le Congolais Ithiel Batumike est chercheur principal à l’institut Ebuteli. Il est l’un des auteurs de ce rapport et répond aux questions de RFI.

RFI : Pourquoi dites-vous que le processus des élections de l'an prochain est mal embarqué ?

Ithiel Batumike : Le processus est mal embarqué parce que les réformes électorales demeurent controversées, alors qu'elles étaient imaginées pour résoudre les problèmes constatés lors des élections de 2018, notamment le fait que les résultats des élections n'avaient pas été publiés bureau de vote par bureau de vote, mais de manière globale. Malheureusement, les innovations phares en termes de transparence électorale n'ont pas été retenues dans la loi promulguée en juin de cette année par le Président de la république.

Mais au soir du vote, est-ce que les résultats seront publiés bureau de vote par bureau de vote dans chacun des bureaux de vote ?

Ça ne sera pas le cas. À la fin des scrutins, dans chaque bureau de vote, les résultats seront uniquement affichés au bureau de vote et envoyés à Kinshasa, et c'est le bureau de la Céni à Kinshasa qui consolidera tous les résultats, et qui à la fin affichera les résultats de manière générale dans ses locaux et sur son site internet.

Et pour vous, cela, c'est la porte ouverte à des dérapages ?

Bien évidemment, il faudrait que la Céni soit liée par les résultats qui viennent de province, qui viennent des différents bureaux de vote, et cela serait le cas si les résultats étaient déjà publiés au niveau des bureaux de votes. Mais là, les résultats sont envoyés à Kinshasa, et c'est Kinshasa qui travaille les résultats comme d'habitude, qui les consolide.

Alors l'une des pommes de discorde aujourd'hui au Congo, c'est l'indépendance ou non de la Céni, et de son président Denis Kadima, l'opposition dit qu'il est trop proche du pouvoir, Félix Tshisekedi répond sur RFI et France 24 : "c'est une insulte à l'intelligence de cet homme, il a le meilleur profil, je ne suis pas le seul à le dire". Qu'est-ce que vous en pensez ?

C'est évident que l'actuel président de la Céni jouit d'une notoriété internationale en matière électorale, mais il est évident également que le processus ayant abouti à sa désignation a été d'une manière ou d'une autre téléguidé par l'entourage du président actuel, cela a été dénoncé par les églises protestante et catholique. Et ce qui est aujourd'hui à faire, c'est de rassurer davantage les parties prenantes sur le fait que le président de la Céni peut jouir d'une certaine impartialité et indépendance. Or la manière dont se passe le cadre de concertation que la Céni organise actuellement, cela ne rassure pas toutes les parties prenantes parce que l'Église catholique et l'Église protestante sont victimes d'une certaine vengeance de la Céni, qui les exclut du cadre de concertation qu’elle organise, puisque ces églises s'étaient opposées à la désignation de son président.

« Je n'ai aucune raison de penser que les élections seront reportées », affirme le président de la République, « Denis Kadima, le président de la Céni, m'assure qu'elles auront lieu en décembre 2023 ».

C'est normal, parce que le président de la République s'est engagé à travers son gouvernement à respecter les délais d'organisation des élections, et donc à ne pas avoir un glissement, mais les faits sont tels qu'aujourd'hui tout observateur averti se rend compte qu'il est difficile de respecter les délais, et si on respecte les délais, c'est clair qu'on aura des élections bâclées comme nous le disons dans le rapport, et nous ne sommes pas les seuls à le dire. Le rapport qui a été commandé par le Pnud, auquel vous avez fait allusion lors de votre entretien avec le président de la République [le 24 septembre 2022], va aussi dans le même sens que nous.

Mais le président Tshisekedi affirme que ce rapport du Pnud a été déformé par des personnes malveillantes...

Pas du tout, le rapport est clair, et, au-delà de ce rapport, notre rapport étaye des faits qui sont réels, qui sont vérifiables. Aujourd'hui, il y a un problème de financement, avant qu'on espère aller aux élections, mais aussi comment est-ce qu'on peut être très optimistes à ce point d'avoir des élections lorsqu'on n'a pas encore de calendrier électoral ? Et il faudrait avoir un calendrier électoral pour plus de transparence, et il faudrait que la Céni fasse beaucoup plus de cadre de concertation qui sont inclusifs, où toutes les parties prenantes pourront participer pour que des propositions d'amélioration soient faites. L'enjeu de ce processus électoral ne se résume pas dans le respect des délais, mais bien plus dans la crédibilité et la transparence de ce processus.
https://www.mediacongo.net//article-actualite-112572_presidentielle_en_2...

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