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24
2016

Procès Bemba: la CPI, pour ou contre?

La Haye (Pays-Bas) - Pour peu que l’on s’intéresse à la situation politique des pays africains, on est que trop tenté de donner raison à Calixthe Béyala qui, à maintes reprises, a rédigé de vibrants pamphlets conte Fatou Bensouda, Procureur de la Cour Pénale Internationale, l’accusant d’être au service des colonialistes blancs, qui utilisent la CPI pour écarter du pouvoir, ceux des dirigeants africains qui leur montrent plus d’autonomie et de résistance.

Ce lundi 21 mars, le verdict de condamnation prononcé contre le « digne fils d’Afrique » Jean Pierre Bemba Gombo, pourrait en quelque sorte confirmer les thèses instrumentalistes que les africains voient se tramer derrière les procès que la CPI intente contre les dirigeants politiques africains, mais il faut bien comprendre pour mieux juger.

Reconnu coupable par la chambre des Juges de la CPI, Bemba va donc poursuivre son séjour forcé dans les quartiers pénitenciers à La Haye où il a été préventivement enfermé il y a plus ou moins sept ans. Les faits dont il est reproché remontent aux années 2002-2003 et sont d’une extrême gravité : viols, meurtres et pillage des biens des victimes centrafricains. Ces exactions de masses, rubriquées par la CPI comme crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, ont été perpétrées en terre centrafricaines par de téméraires sbires du Mouvement pour la Libération du Congo, dont les quartiers généraux se trouvait en terre congolaise, dans la ville septentrionale de Gbadolité, celle-là même qui a vu naitre le Maréchal Mobutu Sese Seko.

Selon les enquêtes menées par le bureau du Procureur, il en ressort que le « Chairman » Jean‑Pierre Bemba, Président du MLC et commandant en chef de l’Armée de Libération du Congo (ALC), ne s’est pas suffisamment efforcé pour empêcher à ses troupes de commettre des atrocités en terre centrafricaine. Figure de proue de l’organisation et principale source de financement, il avait pourtant les moyens, estiment les juges, de mieux encadrer les 1500 hommes alignés dans les trois bataillons qu’il a envoyés en Centrafrique pour lutter auprès des hommes de Ange Félix Patassé, engagés dans un combat périlleux contre l’ancien chef d’état-major des Forces armées centrafricaines (FACA), le général François Bozizé.

Voilà grosso-modo, la responsabilité de Bemba. Une responsabilité bien lourde, du moment où plus de 5000 centrafricains de tout bord ont subi les affres et les razzias des rebelles armés, affamés et mal payés.

Certes, Jean Pierre Bemba, qui a toujours plaidé non coupable, n’est pas de l’avis des juges, encore moins du Procureur qui en a demandé la condamnation. Lui qui est un des géants de la scène politique congolaises, espérait en un acquittement et il n’était pas le seul à le vouloir.

Lors de la séance de lecture du verdict, des centaines de supporters de Bemba sont accourus à La Haye pour manifester leur soutien. La séance du tribunal a ainsi pris les allures d’un spectacle, retransmis en streaming sur internet par les services mutimedias de la CPI. Sur les gradins donnant une vue privilégiée de la salle, les militants, supporters et familiers de jean Pierre Bemba ont assisté en silence à la lecture du résumé du verdict par la présidente, Mme la juge Sylvia Steiner, et sont rentrés bien déçus, convaincus qu’il s’agissait là d’un verdict politique.

Mais qui est donc en train de tirer les ficelles derrière cette affaire ? Peut-on penser que ce soit Joseph Kabila, actuel Président de la RDC dont l’intérêt serait d’éloigner un concurrent ? C’est la France ou la Belgique, qui auraient des intérêts incompatibles avec la présence de Bemba au Congo ? C’est Fatou Bensuda elle-même ?

Ce qui est certain, c’est que des milliers de civiles centrafricains ont été victimes d’exactions, qui ne sauraient restés impunies. C’est donc un bien si la CPI a rétabli les faits et punis les responsables. On se serait attendu que Bozizé et même Patassé fussent eux-aussi coaccusés et condamnés. Mais pour ces derniers, il faudrait bien que quelqu’un porte plainte et saisisse la CPI, comme Bozizé fut contre Bemba. Ce serait en tout cas un autre procès pour la CPI. Peut-etre le procès qui pourra éloigner l’ombre colonial de ses agissements, et faire changer d’avis à Calixthe Béyala et tous les détracteurs souverainistes africanistes, qui voient en Fatou Bensouda, la coupeuse de tête pour le compte des puissants tapis à l’ombre.

De Raymon Dassi

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