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Depuis 2012, un avion MA60 de Burundi Airlines reste inutilisé, un autre est stationné à Madrid en Espagne, malgré les 500 millions de francs burundais alloués chaque année à son entretien. Cette situation a soulevé de nombreuses questions parmi les députés burundais, particulièrement sur l’efficacité de cette dépense et le sort des autres avions promis par le gouvernement chinois.
Le premier avion en question, le MA60, a été livré au Burundi par le gouvernement chinois le 28 juin 2012, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du pays. D’une valeur estimée entre 17 et 20 millions de dollars américains en 2012, cet appareil représentait un don du gouvernement chinois au Burundi.
Une polémique est née avec ce don, car il était supposé être lié à un accord d’achat d’autres appareils du même genre par le gouvernement burundais. Comme l’avait affirmé Emmanuel Hakizimana, le patron d’Air Burundi à l’époque, « il n’y a pas de don sans crédit, et il n’y a pas de crédit sans don ».
L’autre avion est le jet présidentiel Gulfstream IV, arrivé le 15 décembre 2016 à Bujumbura, dont la mission était d’être utilisé lors des voyages du Président. Selon Arnaud Poisson, président d’Antaris Aviation, qui a remis ce jet présidentiel aux autorités burundaises, l’avion était en « super état », car il était arrivé des États-Unis « sans aucun problème technique », avant d’ajouter que cet avion était « un outil de travail très important pour le Président de la République ».
Gulfstream IV, l’avion qui coûte des centaines de millions, mais qui reste cloué au sol.
« Chaque année, nous votons un budget de 500 millions de francs burundais (FBU) pour l’entretien d’un avion. J’aimerais poser la question au ministre pour savoir où se trouve actuellement cet avion, car nous avons entendu dire qu’il pourrait être en Espagne », a interrogé le député Pamphile Malayika, élu dans la circonscription de Muyinga.
C’était lors de la session parlementaire du 5 septembre. Les députés ont demandé des explications concernant cet avion qui, malgré ces dépenses, n’a toujours pas pris son envol. La ministre du Commerce, Marie-Chantal Nijimbere, a tenté de répondre aux préoccupations en indiquant que cette somme inclut les frais de stationnement « parking » et l’entretien de l’avion, soulignant également que l’avion connaît plusieurs problèmes techniques sans entrer dans les détails.
« Le gouvernement burundais a envoyé une commission pour vérifier l’état de cet avion. La commission a indiqué les moyens nécessaires pour le réparer, mais nous devons continuer à payer les frais d’entretien et de stationnement », a-t-elle expliqué.
L’autre question concerne les avions que le gouvernement chinois avait offerts à l’État burundais. « Il y a des avions que la Chine nous a offerts. Où sont ces avions ? Sont-ils opérationnels ou non ? », a demandé un député.
Pour répondre à cette question, la ministre a d’abord expliqué le cas des problèmes techniques de l’avion MA60, offert par la Chine en 2012. Le défaut majeur mis en avant par la ministre concerne les masques à oxygène, qui ne seraient pas présents à toutes les places des passagers. « Après son arrivée, nous avons constaté que l’avion présentait des problèmes techniques, notamment l’absence de masques à oxygène à certaines places », a-t-elle expliqué.
Selon la ministre, le gouvernement burundais a signalé ces anomalies au fournisseur et des discussions sont en cours pour déterminer si l’avion doit être renvoyé en Chine pour réparations.
« Le gouvernement burundais a déjà signalé le problème au fabricant ; nous attendons de savoir si l’avion doit être renvoyé dans l’usine où il a été fabriqué pour corriger ces défauts », a-t-elle ajouté.
Malgré les explications fournies par la ministre Nijimbere, les députés demeuraient sceptiques quant à la gravité des défauts évoqués. Le président de l’Assemblée nationale, Gélase Ndabirabe, a exprimé son doute concernant la justification des problèmes des masques comme principale cause de l’immobilisation de l’avion. « Nous ne croyons pas que l’absence de masques à oxygène soit la seule cause qui empêche l’avion de voler. En cas d’accident, peu de passagers prennent ces masques à cause de la panique », a-t-il déclaré.
En effet, selon les termes du contrat, le Burundi devait acheter deux autres appareils du même type que le MA60. Cependant, la ministre du Commerce a indiqué que cet achat serait effectué uniquement lorsque le premier appareil aurait prouvé sa capacité à voler.
« Le gouvernement burundais n’achètera les deux autres avions que lorsque le premier appareil offert en don aura démontré qu’il peut voler », a-t-elle souligné.
Chez Burundi Airlines, les informations sur l’avion MA60 ne sont divulguées qu’aux personnes directement impliquées et concernées. « Je ne peux pas aller au-delà de ce qu’a dit la ministre du Commerce, elle est ma supérieure, je ne peux pas contredire ce qu’elle a dit. Pour des informations claires sur ce sujet, il faut lui écrire une lettre, elle va te répondre », a précisé Appolinaire Niyonzima, administrateur directeur général de Burundi Airlines.
Pourquoi stationner à Madrid plutôt qu’à Bujumbura ?
Le président du parti Alliance nationale pour la démocratie (AND), Gaspard Kobako, a exprimé son scepticisme face aux explications fournies par la ministre du Commerce concernant ces avions.
Pour Gaspard Kobako, cette situation est incompréhensible. « De quel entretien s’agirait-il pour un avion cloué au sol pendant des années dans un pays étranger, à Madrid, en Espagne, comme s’il n’avait pas de parking à l’aéroport international Melchior Ndadaye ? », s’interroge-t-il.
Le président de l’AND remet en cause les explications de la ministre concernant les problèmes techniques de MA60, notamment l’absence de certains équipements comme les masques à oxygène pour les passagers. « Le président de l’Assemblée nationale a bel et bien dit que si c’est par manque de quelques équipements, comme ceux utilisés par les hôtesses de l’air, qui ne les utilisent même pas de temps en temps, ce n’étaient vraiment pas des explications plausibles à fournir », a souligné Kobako. Pour lui, il ne s’agit pas d’un problème d’entretien, mais plutôt de matériel à fournir.
« Aurions-nous reçu un cadeau empoisonné de la République populaire de Chine ? », s’interroge-t-il.
Le président de l’AND émet de sérieux doutes sur Gulfstream IV : « Même la caravelle Musongati, qui était un vieux cadeau de la France, ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale, a volé pendant une courte période ». Selon lui, cet avion en entretien qui n’a jamais volé ressemble à un canular destiné à justifier des dépenses injustifiées, voire à un détournement de fonds.
Le MA60 est un modèle d’avion, fabriqué par Xi’an Aircraft Industrial Corporation en Chine. C’est un turbopropulseur régional capable de transporter 56 passagers. Il est principalement utilisé pour les vols intérieurs en Chine et dans d’autres pays africains, tels que le Congo-Brazzaville, le Zimbabwe, le Cameroun et la Zambie. En Afrique, le MA60 sert notamment dans l’aviation civile et militaire.
L’avion Gulfstream IV a été offert au Burundi en décembre 2016 comme jet présidentiel. Ce type d’appareil est un avion d’affaires haut de gamme fabriqué par la société Gulfstream Aerospace, réputé pour ses performances et son luxe. L’objectif principal de ce jet était de faciliter les déplacements du Président burundais lors de ses voyages officiels. Il venait pour jouer le rôle du Falcon 50 vendu en 2007.
https://www.iwacu-burundi.org/burundi-airlines-la-saga-de-lavion-ma60-et...