Quatre candidats obligés de revoir leur copie
Ce mardi 10 mars, la Ceni a annoncé avoir rejeté quatre dossiers de candidature à la présidentielle. Les candidats concernés ont exprimé leur frustration et informé qu’ils allaient faire appel de ce refus auprès de la Cour constitutionnelle.
Jacques Bigirimana du parti Fnl, Anicet Niyonkuru du Cdp, Valentin Kavakure du Fpn-Imboneza et Donatien Ndayizeye de la coalition Kira-Burundi sont les candidats à la présidentielle dont les dossiers ont été rejetés par la Ceni.
L’annonce a été faite par Pierre-Claver Kazihise, président de la Ceni, dans une conférence de presse tenue, le mardi 10 mars.
Il a indiqué que les dossiers non retenus ne remplissent pas les conditions exigées par la Constitution et le Code électoral. Il a précisé que tous les dossiers soumis ont été analysés sur base des dispositions de ces deux textes. Cependant, M. Kazihise a informé que les candidats dont les dossiers n’ont pas été acceptés au niveau de la Ceni ont droit de faire recours auprès de la Cour constitutionnelle endéans deux jours, comme le prévoit le Code électoral.
Choc et confusion chez les quatre recalés
Déclaration de nationalité non conforme, nombre de parrainages inférieur au nombre exigé, dossiers de parrainages incomplets et signatures suspectes sur certains documents. Tels sont les reproches faits par la Ceni au candidat présenté par le Fpn-Imboneza à la présidentielle de 2020.
Valentin Kavakure, le candidat présenté par ce parti, a confié que c’est un choc pour lui d’entendre qu’il est loin d’être en règle alors que la Ceni lui avait remis un récépissé attestant que le dossier déposé était complet. D’après lui, ce rejet cacherait des mobiles politiques. « Malgré notre jeunesse, le parti Fpn-Imboneza est un sérieux prétendant parmi les partis politiques qui sont dans la course ». Et de déclarer que son parti va effectuer un recours auprès de la Cour constitutionnelle.
Cependant, Valentin Kavakure a indiqué que même si son dossier de candidature à la présidentielle a été rejeté, il n’a nullement l’intention de jeter l’éponge. « L’annonce tombe alors qu’on s’apprêtait à déposer les cautions de nos candidats pour les législatives », a-t-il ensuite ajouté.
Pour sa part, Domitien Ndayizeye, ancien chef d’Etat et candidat de la Coalition Kira-Burundi à la présidentielle de mai prochain, s’est dit rt surpris par le verdict de la Ceni. D’après lui, celle-ci a invoqué des dossiers de parrainages incomplets comme motif de refus.
M. Ndayizeye a informé qu’avant de faire recours, il passera d’abord à la Ceni pour vérifier si les dossiers de parrainages qu’il a déposés n’ont pas été soit interchangés, soit enlevés.
Écarté aussi pour ‘’dossiers de parrainage incomplets’’, Anicet Niyonkuru, candidat du Conseil des patriotes (Cdp), espère que la Cour constitutionnelle annulera la décision de la Ceni : « Nous avons deux mois de travail assidu sur le compteur depuis notre retour au pays ! Cela devrait être encouragé plutôt que découragé. Ce sont de minces vices de forme qui ne devraient, en aucun cas, nous bloquer dans notre avancée politique. »
Quant à Jacques Bigirimana du Fnl, il a avancé que les manquements soulevés par la Ceni pour ne pas approuver sa candidature ne sont pas fondés. « C’est une affaire de quelques attestations de résidence de parrains qui ne seraient pas conformes à leurs extraits du casier judiciaire, mais aussi l’ethnie des parrains qui n’est pas spécifiée sur la liste que nous avons remise à la Ceni ».
S’agissant de la spécification de l’ethnie des parrains de son parti, Jacques Bigirimana a indiqué que cette règle n’est pas prévue par les dispositions de la Ceni présidée par Kazihise. « On n’allait quand même pas mentionner ce qui n’était pas recommandé par la Ceni sur les formulaires ! », s’est exclamé le président du parti fondé par Rémy Gahutu.
Le candidat Bigirimana s’est aussi justifié sur l’ambiguïté des attestations de résidence obtenues par certains de ses parrains : « Nous n’avons eu de cesse de signaler au ministère de l’Intérieur que pas mal d’administrateurs communaux nous ont mis des bâtons dans les roues en vue d’avoir accès à certains documents. Ainsi, pour bénéficier de leurs attestations de résidence, certains de mes parrains se sont vus obliger d’avoir recours à des administratifs de communes autres que celles où ils résident. »
D’après lui, quand bien même la Cour constitutionnelle trancherait en sa défaveur, son parti n’entend pas décrocher du processus électoral.
Des candidatures postiches
Le candidat Valentin Kavakure a présenté un nombre de parrainages inférieur au nombre exigé par le code électoral (200). Dans ce cas, pourquoi la commission présidée par Pierre-Claver Kazihise a attendu sept jours pour invoquer un vice de forme – parmi des raisons de fond – qui aurait dû, en principe, entraîner l’irrecevabilité du dossier du candidat du Fpn-Imboneza ?
A l’issue de la conférence de presse qu’il a tenue ce mercredi 11 mars, Jacques Bigirimana, candidat du Fnl, s’est plaint de ce que la Ceni ait retoqué son dossier de candidature sur base de la liste des parrainages ne faisant aucune mention du genre et de l’ethnie de ses soutiens de parrainage. Or, le code électoral est assez explicite sur ce point en son article 97. ‘Chaque candidature aux élections présidentielles doit être parrainée par un groupe de deux cents personnes formé en tenant compte des composantes ethniques et du genre. Ce groupe doit revêtir une dimension nationale.’
Mis au pied du mur face à cette règle de la commission électorale, le candidat Bigirimana a tenté une pantalonnade. « La Ceni invoque la diversité ethnique des soutiens de parrainage, mais nulle part, elle n’a précisé que l’appartenance ethnique des parrains doit figurer sur la liste que nous lui avons remise ! » Sacré coup de génie !
Autre impair du candidat du Fnl : certains de ses appuis de parrainage ont obtenu leurs attestations de résidence en dehors des communes où ils ont élu domicile ! Cause de ce contresens : Certains administrateurs communaux qui auraient obstrué l’accès à certains documents aux parrains du candidat. Un sophisme attendu que les candidats d’autres partis en lice pour la présidentielle, dont des partis d’opposition comme le Cnl, n’ont visiblement pas eu ce problème, ce qui cache plutôt un défaut d’organisation du parti plutôt qu’une manœuvre administrative ayant visé ce dernier.
Jeu de dupes
Les candidats dont les dossiers ont été rejetés appartiennent à toutes les sensibilités, le camp pro-régime (Jacques Bigirimana) est autant représenté sur la liste des dossiers de candidature refusés que le camp de l’opposition. Idem pour les dossiers acceptés où figurent le Cnl et le Sahwanya-Frodebu (Opposants farouches au Cndd-Fdd). Ce constat ainsi fait, la commission électorale nationale indépendante ne peut être soupçonnée de favoritisme. Alors, pourquoi certains candidats (Valentin Kavakure) dont les dossiers ont été refusés se sont hasardés à dénoncer des mobiles politiques derrière la décision de la Ceni ? La Ceni serait-t-elle à ce point maladroite pour exclure des partis politiques sans aucune assise populaire et admettre ceux incarnant un réel challenge électoral au parti présidentiel, à l’image du Cnl d’Agathon Rwasa ?
La raison des boniments du candidat Kavakure se situe peut-être ailleurs : La crainte de concourir au fauteuil présidentiel avec une épine fondamentale : Une carence d’écus pour s’engager dans une bataille électorale qui exige des sommes colossales. En gros, déclarer sa candidature et ensuite avancer une machination de la part de la Ceni pour avoir le prétexte de retirer sa candidature, sachant bien sûr que la cour constitutionnelle n’irait à l’encontre du verdict de la commission électorale.
Avoir marqué « Ancien candidat à la présidentielle » sur son Curriculum Vitae est fort avantageux et cela, certains l’ont compris, quitte à déposer des candidatures postiches et s’engager dans un jeu de dupes avec l’opinion.