RDC. Enfants adoptés congolais. Le témoignage exclusif d’un parent italien adoptif
Bruxelles - Il s’appellent Michele et Jordan. Le premier est un père de famille italien résidant à Foggia, une ville située au Sud de l’Italie. Le deuxième est enfant congolais âgé d’à peine 6 ans, qui a attendu deux ans avant de pouvoir embrasser sa famille d’adoption. La scène de liesse a été reprise par tous les médias italiens. C’était le 14 janvier dernier, lorsqu’au terme d’un interminable imbroglio politique, Michele Albano, sa femme et Jordan ont pu s’enlacer pour la première fois.
Dans cet entretien exclusif concédé à Infos Grands Lacs, Michele Albano témoigne de ce moment inoubliable et assure que « Jordan se porte très bien. Il a été préparé de façon merveilleuse pour rencontrer ses nouveaux parents. Dès qu’il nous a vus, il s’est précipité dans nos bras sans aucune crainte ». Albano tient aussi à rendre hommage « à tous les opérateurs congolais qui ont pris soin de lui ».
Mais que ce fut dur ! Aujourd’hui, près de 1.300 mineurs légalement adoptés sont encore retenus dans leurs orphelinats de République démocratique du Congo (RDC), depuis la décision prise par le gouvernement congolais de suspendre l'adoption internationale. Cette décision faisait suite à un reportage réalisé par l’agence de presse Reuters sur des échanges d'enfants adoptés sur Internet aux États-Unis, des rumeurs de maltraitance et la crainte d'adoption par des couples homosexuels, interdite par la loi congolaise. En novembre dernier, seuls quelques 70 enfants congolais adoptés par des couples étrangers ont été autorisés par Kinshasa à quitter le pays. Parmi eux, 17 mineurs ont atterri en Italie le 14 janvier, dont le petit Jordan.
Chez les Albano, les sentiments sont partagés. Si d’un côté « le Congo a raison de vouloir protéger ces enfants contre le trafic d’êtres humains », assure Michele Albano, de l’autre « une fausse adoption est la dernière option que choisirait un trafiquant d’êtres humains pour exercer ce travail illégal. Dans tous les pays d’accueil, il existe une Commission centrale qui contrôle les adoptions. A mon avis la présence de cette autorité fait que le trafic illégal de mineurs dans le cadre d’adoptions internationales est impossible. Il faut distinguer ce qui relève de l’adoption et le trafic de mineurs. Il est important d’avoir confiance envers les commissions centrales étrangères qui peuvent témoigner que les enfants arrivent bel et bien dans un pays, qu’ils sont bien accueillis dans leur nouvelle famille ». Dans le cas de l’Italie, l’autorité nationale compétente est la Commission pour les adoptions internationales (CAI), qui aujourd’hui a salué positivement la décision du Conseil des Ministres sur le projet de loi en matière d’adoption et qui « sera présenté en temps utile » au Parlement, comme l’a indiqué un communiqué du gouvernement congolais sans donner plus de précisions de calendrier. Mais la prochaine session ordinaire du Parlement doit s’ouvrir le 15 mars.
Pour le CAI, cette annonce « représente un passage important et utile pour accélérer la solution aux procédures d’adoption régulières conclues avec une sentence définitive. Il s’agit d’une autre bonne nouvelle qui fait suite à l’arrivée des 17 mineurs congolais sur le territoire italien », poursuit le communiqué du CAI, « et qui représente un résultat important pour l’Italie et un signal d’attention de la part de la RDC envers notre pays ».
Mais en Italie tout le monde ne partage pas cet espoir. Aujourd’hui, des familles italiennes qui attendent toujours leurs enfants congolais adoptés ont manifesté leur colère. Au rythme du slogan #lavitanonaspetta (« la vie n’attend pas »), ils sont descendus dans les rues pour « demander au gouvernement italien de ne pas les oublier et à notre Etat de soutenir toute initiative diplomatique en vue d’une résolution de cette histoire très douloureuse ».
A Foggia, Michele Albano, qui n’oublie pas ses amis en souffrance, peut désormais poser un regard plus serein sur cet incroyable imbroglio politique. As es yeux, « l’adoption internationale est quelque chose de très positif. Les familles d’accueil sont en mesure d’offrir un avenir meilleur à ces enfants adoptés. Parmi eux, certains feront partie de la classe dirigeante de demain, nous devons garder espoir en eux car ils peuvent contribuer à une meilleure intégration entre les peuples ».
Propos recueillis par Joshua Massarenti pour Infos Grands Lacs, en partenariat avec VITA/Afronline (Italie).