nov
30
2018

Réactions de consternation après les révélations des «Congo Files»

Les réactions se multiplient après les révélations des « Congo Files ». Ces documents confidentiels de l'ONU sont relatifs au meurtre des experts Michael Sharp et Zaida Catalan, il y a un an et demi en RDC. L’ONU a toujours affirmé que ces deux enquêteurs avaient été tués par des miliciens. Cinq médias internationaux, dont RFI et Le Monde, ont analysé cette fuite sans précédent de documents. Et ces milliers de pages révèlent qu’il aurait pu s'agir d’un piège impliquant des agents de l’Etat congolais, que les Nations unies enquêtaient sur cette éventualité et auraient choisi de taire ces informations pour ne pas se brouiller avec Kinshasa.

C’est la consternation, le choc, l’indignation après les révélations des Congo Files. Le secrétariat général des Nations unies aurait choisi de taire des informations délicates aux familles des victimes et au Conseil de sécurité de l’ONU. Des informations concernant une possible implication d’agents de l’Etat et militaires congolais dans le meurtre des deux experts.

Un comportement inacceptable, selon Jan Eliasson, ancien vice-secrétaire général des Nations unies : « Pour moi, il est très important de s’en tenir à la vérité et que tout soit révélé, même si cela gêne le pays dans lequel nous avons une mission de maintien de la paix. Si ces informations se confirment, sur une éventuelle implication dans le meurtre de ces deux experts, alors ces informations doivent être rendues publiques. J’espère que l’ONU va rectifier cela. »

Pour le prince Zeid, ancien haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et ancien président du comité de sanctions sur la RDC, ces omissions sont inacceptables. Il se dit même écœuré par de telles manœuvres : « Le groupe d'experts travaille pour le Conseil de sécurité. Le secrétariat général de l'ONU se doit de présenter les faits au Conseil de sécurité. Il n'a pas à s'autocensurer sous prétexte qu'un pays comme la chine et Russie pourrait apposer son veto sur telle ou telle action. »

« Ce n'est certainement pas le travail d'un comité d'enquête qui travaille pour le compte du secrétaire général, explique-t-il. Ils doivent rapporter les faits, directement, à travers le comité de sanctions sur la RDC. Et c'est au Conseil de sécurité de décider si ces faits sont importants ou pas. Mais il ne fait aucun doute que les éléments révélés par ces documents [les Congo Files] devaient être mentionnés, qu'il y avait des preuves d'une implication d'agents de l'Etat. Je ne peux pas dire aujourd'hui à quel niveau la décision a été prise de ne pas inclure ces preuves, si c'était au niveau du comité d'enquête de monsieur Greg Starr ou au-dessus, mais pour tout vous dire, j'étais écœuré de voir ça. »

Amnesty demande une nouvelle enquête

L’organisation Amnesty International a également réagi, se disant choqué par le manque de respect de l’ONU pour ses employés sur le terrain et appelant à l’ouverture d’une nouvelle enquête indépendante sur le meurtre des deux experts. « C’est choquant. On a affaire à un pays qui est décimé par des décennies de conflits, des millions de morts. Dans la région du Kasaï, il y a eu plusieurs milliers de morts depuis 2016. Les Nations unies sont intervenues tardivement », considère Jean Mobert Senga, d’Amnesty International.

« Zaida Catalan et Michael Sharp sont allés là-bas pour enquêter sur les massacres, les viols, qui étaient en train de se commettre, ajoute-t-il. Les Nations unies n’ont pas fait leur travail pour empêcher ces massacres, mais voilà qu’elles ne sont même pas capables de s’impliquer suffisamment pour que la vérité et la justice soient rendues à leurs propres enquêteurs. Alors, comment veut-on que les millions de Congolais, qui voient les Nations unies, puissent leur faire confiance, alors qu’elles méprisent même la vie de leurs propres agents ? Mais le plus choquant et le plus grave, c’est vraiment cette intention délibérée de couvrir un crime aussi odieux pour préserver des relations avec les autorités congolaises. »

http://www.rfi.fr/afrique/

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