Redécoupage administratif:Une réforme nécessaire mais qui pose de grands défis
Dans sa session du mercredi 15 juin, le Conseil des ministres a analysé et adopté le projet de loi organique portant délimitation des provinces, communes et collines. Les politiques s’interrogent sur le bien-fondé du nouveau découpage administratif.
« Par différents actes législatifs et réglementaires qui se sont succédé, certaines entités ont été, soit créées par une loi organique, soit par une simple ordonnance ministérielle. Cette situation ne saurait perdurer parce qu’elle entre en contradiction avec la Constitution du Burundi », ont constaté les membres du gouvernement.
Le communiqué sorti par ledit Conseil, à la fin de la réunion, précise les fondements de la nouvelle délimitation des provinces, des communes, des zones, des collines / quartiers. Il s’agit de la mise en œuvre de la politique nationale de décentralisation et de l’harmonisation avec les organisations administratives des pays de la sous-région.
Par ailleurs, lit-on dans ce même communiqué, il s’agit de la création des entités territoriales financièrement viables et d’une administration de proximité au service du citoyen.
En outre, le gouvernement du Burundi entend diminuer les charges des communes et augmenter l’assiette fiscale.
D’autres critères du redécoupage
Le communiqué énumère les critères auxquels le réformateur s’est basé pour opérer un redécoupage-regroupage réaliste. De prime à bord, le communiqué parle de la proximité géographique et les réalités sociologiques.
En outre, précise-t-il, le gouvernement a tenu compte des spécificités et des potentialités des structures déconcentrées et décentralisées.
Le législateur a ensuite considéré la viabilité économique et financière des communes, les barrières naturelles et la dimension démographique.
Par ailleurs, la complémentarité et le développement équilibré des entités administratives décentralisées ont été mis en avant.
Le réformateur n’a pas oublié les expériences du passé en matière d’évolution de l’organisation administrative du Burundi.
Enfin, le gouvernement du Burundi s’est basé aussi sur la disponibilité des infrastructures socio-économiques de la commune et l’accessibilité des services de proximité.
Des recommandations
Le Conseil des ministres a émis quelques recommandations en vue d’une bonne applicabilité du nouveau découpage administratif.
Il recommande de placer le chef-lieu de la commune Ntahangwa au chef-lieu de l’actuelle commune Mutimbuzi.
Il exhorte le ministère en charge de l’Intérieur de collaborer avec les services spécialisés pour indiquer les superficies réelles des différentes entités et de préparer la carte administrative à annexer au projet de loi.
Le Conseil des ministres estime aussi qu’il faut trouver d’autres appellations pour les collines se trouvant dans une même zone et qui portent le même nom.
L’Exécutif recommande de faire en sorte que les chefs-lieux des provinces aient tout ce qui est nécessaire pour qu’ils soient viables, aussitôt la loi promulguée.
Ensuite, poursuit-il, il s’avère nécessaire de procéder à la digitalisation de l’administration territoriale et à la mise à jour des textes induite par cette réforme.
Enfin, les membres du gouvernement recommandent de chercher les moyens nécessaires pour la mise en œuvre de cette réforme et d’élaborer la version kirundi du projet de loi.
Précisons que le nombre de provinces a été réduit, passant de 18 à 5 provinces dont Bujumbura à l’ouest, Gitega au centre, Burunga au sud, Butanyerera au nord et Buhumuza à l’est.
Le nombre de communes a également diminué, passant de 119 à 42, tandis que les zones et les collines, comme structures de proximité, ont sensiblement augmenté passant de 399 à 447 pour les zones, et de 2910 à 3037 pour les collines.
Réactions
Francis Rohero : « Cette réforme devrait être opérée avec beaucoup de précautions. »
« C’est aussi l’une de mes 350 décisions à prendre », réagit d’emblée Francis Rohero, candidat à la présidentielle de 2020. Il constate une certaine lourdeur administrative et soutient le redécoupage administratif qui réduit les provinces de 18 provinces à 5.
Au niveau de l’administration, fait-il observer, il sera bénéfique de pouvoir travailler avec peu de gens, mais agir sur des espaces assez considérables.
Néanmoins, nuance ce professeur d’université, la mesure de découpage des provinces devrait être prise sur le fond économique adéquat sans être juste un copier-coller d’une mesure tirée de quelque part.
« Dans le passé, le Burundi a vécu des situations pareilles, à un moment donné, on avait 8 provinces, on est monté jusqu’à 15, on est monté jusqu’à 17, jusqu’à 18 aujourd’hui, on revient à 5, est-ce que les faits ne vont pas nous ramener d’ici trois ans à désirer encore plus ? », s’interroge-t-il
Pour lui, tout dépendra de l’importance que l’on donne au chef de colline et au chef de zone. « Est-ce que les Burundais sont capables de donner au chef de colline une capacité administrative pour servir sa population sans que celle-ci n’aille encore chercher l’administrateur ou le gouverneur ?», doute encore le candidat à la présidentielle de 2020.
L’initiateur du mouvement Orange au Burundi fait savoir qu’il peut y avoir des problèmes au niveau de l’administration locale. Si le gouvernement n’est pas capable d’offrir la capacité intellectuelle et la capacité légale au chef de colline pour résoudre certains problèmes, avertit-il, nous allons nous retrouver d’ici deux dans une situation plus compliquée où tout le monde va chercher le gouverneur.
M. Rohero estime que cette réforme, qui est très bonne, devrait être opérée avec beaucoup de précautions en cherchant à résoudre économiquement la plupart des problèmes qui se passent dans la communauté.
Il propose au gouvernement de préparer le chef de colline pour qu’il soit capable de venir à bout des problèmes qui se passent dans la communauté. « Il faut par exemple que la plupart des papiers que l’on cherche puissent être délivrés par le chef de colline. Si on doit chercher un document chez l’administrateur, chez le gouverneur, ça sera un problème. » Et de marteler : « Décentraliser, c’est avoir tous les services de l’Etat, à moindre coût tout près de chez soi. »
Agathon Rwasa : « Le problème est comment s’y prendre. »
Le leader du parti Cnl estime que le Burundi n’a pas besoin d’une multitude d’administratifs : « 18 provinces pour un Burundi de plus 27 mille km2, c’est trop. Nous avons toujours recommandé à ce qu’il y ait une réduction des administratifs. »
Selon lui, l’objectif est de démarquer nettement le budget d’investissement de celui de fonctionnement. Et de faire observer que la multitude de fonctionnaires administratifs absorbe presque la totalité du budget.
Pour Agathon Rwasa, diminuer le nombre de provinces est une bonne chose. Mais, nuance-t-il, le problème est la manière dont le gouvernement va s’y prendre. La décentralisation a été parfois mal comprise.
Il soutient que la décentralisation et l’émiettement des espaces administratifs sont des choses différentes expliquant que la décentralisation signifie beaucoup plus les services étatiques rendus aux citoyens à tous les niveaux et dans tous les coins. « Je pense que même si une entité administrative devait être la moitié du Burundi, si les moyens de locomotion sont là, si on est bien organisé, les services étatiques pourraient atteindre tous les citoyens ».
Agathon Rwasa estime que ce qu’il faut faire c’est bannir la bureaucratie et être réellement au service de la population, mais aussi changer de comportement et d’attitude et d’accepter d’être responsable. « Il faut être redevable devant la population et respecter les lois. » Et de renchérir : « Il ne faudra pas décentraliser pour décentraliser, il faut que ça soit du vécu. »
Olivier Nkurunziza : « Nous avons des inquiétudes. »
« C’est peut-être pour donner les compétences qu’avaient les ministres aux communes », imagine Oliver Nkurunziza président du parti Uprona. Une bonne chose, apprécie-t-il, car les citoyens sur les collines qui cherchent des documents et autres services seront facilités. Au cas contraire, prévient-il, il sera difficile puisque les communes ont été élargies.
L’Uprona s’attend à ce que les pouvoirs qu’avaient les communes soient transférés vers les zones pour que les citoyens obtiennent facilement les documents administratifs.
M. Nkurunziza confie de plus que son parti est inquiet par rapport aux conséquences du redécoupage du pays. Il demande au gouvernement de donner des explications aux différents partenaires pour bien comprendre.
Olivier Nkurunziza craint, par ailleurs, que la réduction des provinces ne cache des buts politiques. « On peut dire que dans telle commune ou telle province, c’était le fief de tel ou tel parti politique, alors il faut les combiner pour noyer l’électorat, ce qui créerait des problèmes. »,
Il regrette que le ministre de l’Intérieur n’ait pas encore réuni les présidents des partis politiques pour leur expliquer les tenants et les aboutissants de la réforme. Pour prendre de telles décisions, fait-il remarquer, il faut chaque fois consulter les représentants du peuple, les partis politiques et d’autres partenaires.
Et de s’interroger : «Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de politique qui se cache derrière ? Mais nous gardons toujours espoir que c’est dans le but de développer le pays. »
Olivier Nkurunziza recommande au Parlement qu’avant d’adopter cette loi, il écoute les suggestions des différents partenaires politiques, de différentes couches de la population burundaise.
Athanase Karayenga : « Que les nouvelles provinces aient de vrais pouvoirs.»
« En principe, le projet de loi portant redécoupage administratif est, en soi, un bon projet », apprécie Athanase Karayenga, ancien journaliste vivant en exil. Pour lui, il faut une décentralisation ambitieuse, c’est-à-dire que les nouvelles provinces doivent être dotées de vrais pouvoirs. « Il faut que chaque gouverneur ait les pouvoirs et les moyens d’être le chef de l’Exécutif de sa province ».
M. Karayenga estime aussi que chaque province doit disposer d’un vrai pouvoir judiciaire. Un parquet qui jouit d’une autonomie et qui fonctionne en toute indépendance vis-à-vis du pouvoir central.
Pour cet ancien journaliste, tous les services étatiques doivent jouir d’une autonomie. « Pour que la décentralisation soit efficace au niveau de la province, il faudrait aussi qu’il ait l’autonomie des services étatiques comme la santé, l’éducation, l’environnement. Il ne faut pas qu’ils attendent toujours les instructions du gouvernement central ».
Par ailleurs, Athanase Karayenga fait savoir qu’au niveau politique, les provinces peuvent devenir des pôles de décentralisation et de démocratie. Selon lui, chaque province peut se doter d’un parlement constitué de conseillers communaux qui auront la capacité de participer dans la gestion de la province et d’harmoniser les questions de démocratie dans leurs circonscriptions.
Léonce Ngendakumana : « Si cela reste au niveau de la propagande, c’est une courte vision. »
« C’est un acte louable qui présente beaucoup d’avantages au niveau de l’administration et surtout au niveau d’approcher le pouvoir au peuple burundais », assure Léonce vice-président du parti Sahwanya Frodebu.
Ce qui n’est pas encore expliqué, pour lui, c’est comment ils vont le faire. Si cela reste au niveau de la propagande, surtout pour les élections de 2025 et 2027, il estime que c’est une courte vision. « S’ils pensent comme cela, ce sera un drame ».
Mais si on adopte cette politique dans le cadre de ce que l’on appelle la décentralisation, juge M. Ngendakumana, c’est une réforme positive. En ce cas, il considère que l’on va faire de la colline et de la commune un véritable pôle de développement. C’est-à-dire qu’on va lui donner des ressources humaines compétentes et des moyens techniques et financiers suffisants. Donc les doter d’un pouvoir politique de délibération et de décision.
Ainsi, pour les questions de développement économique et social, le gouverneur n’aura pas de pouvoir sur les communes. « Le gouverneur sera considéré comme le représentant du président de République dans la région donnée pour suivre si ses instructions et celles du gouvernement sont respectées et s’exécutent suivant la loi ».
Au niveau de l’élaboration des programmes politiques, économiques et sociaux, le vice-président du parti de Melchior Ndadaye pense que la commune devra avoir un pouvoir fort. « Cela sera un mini gouvernement. Est-ce qu’ils vont le faire ainsi ?», s’interroge M. Ngendakumana, fort dubitatif.
Interview exclusive avec Siméon Barumwete
« En matière de décentralisation, il faut éviter la théorie de la décharge »
Pour le Pr Siméon Barumwete, spécialiste des politiques publiques, il faut un transfert de ressources suffisantes aux communes pour réussir cette réforme.
Le nouveau découpage administratif est-il opportun ?
Le découpage administratif au Burundi est une pratique qui est connue, mais aussi qui a connu des évolutions. Ces dernières montrent que des fois on est dans l’improvisation. Les autorités politiques n’ont pas encore ce que l’on peut appeler une taille minimale dans la gestion administrative d’une commune. Il faut tenir compte de la population et des ressources du milieu.
Un petit rappel de ces évolutions…
Depuis l’indépendance, les communes ont changé chaque fois. A l’indépendance on avait plus de 150 communes. Par après, le nombre a été réduit. En 1974, on avait 79 communes qui ont évolué en 1982 à 114 communes pour devenir avant 2020 131 communes. Aujourd’hui, nous avons 119 communes.
Pourquoi tous ces changements ?
Le découpage administratif a été toujours une question sur laquelle il n’y a pas eu de position fixe. Tous les régimes ont découpé sans qu’on ait vraiment une vision claire sur la gestion administrative des communes. On a connu peu de communes et beaucoup de communes.
Mais je dirai que c’est opportun, mais ça dépend de l’objectif de ce nouveau découpage. L’objectif qui a été apparemment avancé n’est pas convainquant Dire que c’est pour des raisons de démocratie et d’une administration de proximité ne tiennent pas la route.
Concrètement…
Je n’ai jamais entendu des plaintes de la part de la population ou des dirigeants des communes comme quoi la taille des communes posait problème aux dirigeants ou au niveau de l’effectivité de la démocratie au pays. La démocratie est une question de principes, de valeurs. C’est une question de rapport entre les administrés et leurs dirigeants. En substance, cela n’a rien à voir avec la taille administrative des communes. Il faut trouver des raisons ailleurs. Si c’est pour des raisons économiques, je comprendrais.
Justement l’une des raisons avancées, c’est pour diminuer les charges des communes et augmenter l’assiette fiscale. Qu’en dites-vous ?
D’une manière générale, les communes du Burundi sont pauvres et c’est à l’image du pays. Avec cette nouvelle politique de regroupement administratif, la plupart des anciennes provinces restent au moins avec deux communes. Si on regroupe, on va regrouper les communes qui sont proches et généralement ces communes présentent les mêmes caractéristiques pédologiques, physiologiques, économiques, etc. vous allez constater que même en regroupant elles vont garder les mêmes caractéristiques. Donc, il n’y aura pas une fusion des communes plus riches que d’autres.
Est-ce que l’économie des communes ne sera pas « boostée ? »
Loin de là. Les ressources ne vont pas augmenter pour autant, mais la population va augmenter. Les matières imposables vont rester les mêmes. Même si on regroupe trois communes, l’assiette fiscale ne va pas changer parce qu’il n’y a pas de transfert de fiscalité qui a été opéré, ce qui fait que les communes auront les mêmes produits imposables et taxables.
Cela veut dire que les recettes qui étaient collectées dans deux ou trois communes seront collectées dans une commune. Mais on aura en charge une population qui aura été multipliée par deux ou trois. Je n’y vois aucune plus-value parce que les ressources vont rester les mêmes.
Mais les provinces et les communes ont été réduites…
Nous ne pouvons pas dire que c’est pour des économies de ressources parce que les gens qui seront élus ou nommés comme chefs de zone auront presque les mêmes compétences que les anciens administrateurs communaux. Et on sera obligé de valoriser le statut du chef de zone. A un moment donné, les chefs de zone pourront réclamer des véhicules de fonction, car ils auront un grand territoire. Ils vont réclamer des moyens. Au niveau économique, ce n’est pas évident que cette réforme va nous aider à faire l’économie des ressources.
Au niveau des provinces, le nombre va diminuer, mais les gouverneurs auront en charge un grand territoire et peut-être ils vont réclamer que certaines communes soient des districts ou des arrondissements comme avant 1982. Ils peuvent réclamer des intermédiaires. Et on va mettre en place un nouveau texte qui introduit cette fois-ci des commissaires d’arrondissement parce qu’ils seront incapables de gérer tout ce territoire.
La mise en œuvre effective de ce nouveau découpage administratif va révéler après quelques années de son application d’autres défis que le gouverneur, étant à la tête d’un grand territoire, ne parvient à maîtriser.
Que l’on clarifie autrement les objectifs de cette réforme, mais politiquement et économiquement, il n’y a pas de plus-value.
Mais le gouvernement a promis d’augmenter le budget des collectivités locales…
En matière de décentralisation, il faut éviter la théorie de la décharge. Au niveau central, les Etats africains ont des problèmes de fonctionnement. Ils n’ont pas assez de ressources. Parfois, ils croient qu’en décentralisant et en donnant plus de compétences aux communes, ils vont booster l’économie. Loin s’en faut.
L’Etat a échoué à conduire une politique typique au niveau national. Il transfère ses compétences au niveau local en pensant que les communes auront les moyens pour être efficaces. Les communes, elles aussi, vont aussi échouer. Elles vont connaître la théorie de la décharge.
C’est en quelque sorte une fuite de responsabilité de la part de l’Etat. Il ne faut pas réformer pour réformer. Il faut réformer pour être efficace et transférer les ressources suffisantes et conséquentes pour cette réforme.
Si l’Etat burundais veut décentraliser, qu’il puise dans les caisses pour donner les ressources suffisantes. Les ressources qui sont actuellement transférées aux communes ne vont pas suffire pour le développement communautaire.
Qu’en est-il de la place de la population dans cette réforme ?
La réforme intervient après les élections de 2020. Les gens n’ont pas été avertis de cette réforme. La population n’a pas été associée. Or, dans ce changement des territoires, les habitants ont un mot à dire. Il faut des consultations pour nous montrer le bien-fondé de cette réforme pour en savoir les avantages.
Le réformateur a mis la population devant le fait accompli, ce qui n’est pas une pratique démocratique. Les gens peuvent faire des interprétations erronées. Certains peuvent penser que c’est pour faire disparaître les anciennes identités régionales et peut-être créer d’autres identités. Cela peut être frustrant pour les uns.
D’aucuns disent que ce découpage n’a pas vraiment tenu compte des réalités sociologiques ou même la dimension démographique du pays. Faites-vous le même constat ?
Au Burundi, nous avons trois composantes sociales qui habitent sur un même territoire. Le récent découpage administratif important a eu lieu en 1982. Plus de 40 ans après, les gens avaient, d’une manière ou d’une autre, développé cet esprit local, cette appartenance à une collectivité. Il y a des territoires qui existent depuis les années 1935. Ngozi, Gitega, Muyinga, les gens s’identifiaient par l’appartenance à ces territoires.
Depuis 1982, les gens s’identifiaient par rapport à ces communes qui commençaient à être des références pour des individus.
Aujourd’hui, en fusionnant les communes, cet esprit local qui commençait à être ancré dans les mentalités, dans les pratiques des Burundais, va s’éroder. Et les Burundais vont apprendre encore une fois à appartenir à une commune qui devient plus vaste. Et il ne sera pas facile pour les gens d’avoir une même vision, de partager le même destin et d’avoir les mêmes projets communautaires.
Y aura-t-il des retombées ?
Cela va prendre du temps pour que les gens se sentent faire partie d’une même commune et partager les mêmes projets, les mêmes idées. Certainement qu’il y avait des projets communs qu’ils étaient en train de mettre en avant et aujourd’hui, avec cette fusion, il y aura, peut-être, des projets qui seront abandonnés parce qu’on aura scindé la commune.
Les gens ne seront plus ensemble au niveau des entités. Ils seront attachés à des identités différentes et pour se sentir appartenir à la nouvelle identité, cela va encore prendre du temps et cela va ralentir cet élan de développement communautaire.
Quelle implication au niveau politique du moment qu’on a par exemple des élus dont les mandats sont en cours ?
Dans mon entendement, au niveau politique, cela ne va pas causer de problème Nous nous disons que leurs mandats ne seront pas écourtés. Cette nouvelle administration devra logiquement et légitimement entrer en vigueur après les élections de 2025. Nous pensons qu’on va garder le statu quo au niveau administratif jusqu’aux élections de 2025.
N’y aura-t-il pas un problème de gérer la transition entre la nouvelle structure administrative et l’actuelle ?
Certainement qu’il y aura d’autres textes qui vont accompagner cette loi organique dans sa mise en œuvre. Il y aura des précisions pour la mairie de Bujumbura. Est-ce que le gouverneur de Bujumbura sera en même temps le maire de la ville ? Si la mairie de Bujumbura disparaît, que deviendra le patrimoine qui lui appartenait ? Nous attendons des textes qui vont éclaircir le statut de la mairie de Bujumbura.
Quid des autres ministères ? Vont-ils se conformer à cette nouvelle structure ?
Nous ne savons pas comment les autorités vont conduire cette réforme jusqu’au bout. Mais nous voyons que le président de la République est attaché à la décentralisation. Il a dit que chaque ministère doit montrer ce qu’il est en train de faire dans nos collectivités locales. Certainement qu’il y aura d’autres textes qui vont préciser davantage comment ces ministères vont fonctionner.
Il y a déjà une loi qui montre les compétences transférées aux communes, mais, entre-temps, il n’y a pas, par exemple, de loi sur la fonction publique locale. Comment ces fonctionnaires placés dans les communes seront traités.
Si on décentralise chaque ministère jusqu’au niveau des communes, il faudra montrer les compétences et les ressources transférées aux communes pour que finalement le découpage administratif ne soit pas un problème dans l’applicabilité de ce nouveau découpage administratif.
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