Renvoi de 7 jeunes filles du Lycée de Busiga pour maraudage : des voix s’élèvent pour défendre leur cause
La récente décision de renvoyer définitivement sept élèves du Lycée de Busiga pour maraudage continue de susciter un vif débat. Alors que l’établissement justifie cette mesure par une interprétation stricte du règlement scolaire, plusieurs organisations et personnalités condamnent cette sanction jugée ’’disproportionnée et non conforme aux textes en vigueur’’.
Dans la nuit du 21 au 22 septembre 2024, sept jeunes filles, élèves internes du Lycée de Busiga ont été surpris par les veilleurs de l’établissement au moment où elles étaient en train de voler des avocats sur un arbre se trouvant dans les enceintes de cette école. Suite à cet incident, le conseil de direction a accusé ces adolescentes d’avoir également tenté de corrompre les veilleurs et les encadreuses.
Le conseil de direction s’est appuyé sur l’article 35 du règlement scolaire pour justifier sa décision. Cet article stipule que le vol de biens scolaires ou d’autrui entraîne un renvoi définitif ainsi qu’une interdiction d’admission dans tout autre établissement pour l’année scolaire en cours.
Cette mesure a depuis provoqué de vives controverses, notamment sur la proportionnalité de la sanction et l’interprétation du Règlement scolaire. Plusieurs experts et organisations estiment que la direction de l’établissement a appliqué une disposition erronée du Règlement scolaire.
Le Colonel Pierre Nkurikiye, doctorant en sciences juridiques à l’université du Burundi en même temps porte-parole du ministère de l’Intérieur explique que « les 7 élèves ont été renvoyées illégalement. Non pas parce qu’elles n’auraient pas violé le Règlement scolaire en vigueur, mais parce que le Conseil de direction a appliqué la disposition incorrecte du Règlement scolaire. En effet, les puces 14 et 21 de l’article 35 du Règlement scolaire invoquées ne sont pas applicables aux élèves à l’internat. Par contre, c’est l’article 56 du même règlement qui devrait être invoqué et qui prévoit le renvoi et la non-admission dans aucun autre établissement pour l’année scolaire en cours, sanctionnant la sortie nocturne après le couvre-feu ».
Plusieurs personnalités dénoncent le caractère disproportionné de cette sanction. L’ancien conseiller à la présidence de la République chargé de la communication a comparé cette décision à un acte démesuré : « Renvoyer définitivement une élève pour avoir maraudé, c’est comme prendre un véhicule blindé pour écraser une grenouille. Il n’y a simplement pas de proportion. Pour l’avenir des enfants, la révision de cette décision s’impose au bon sens », a-t-il commenté.
La Fédération nationale des associations engagées dans le domaine de l’enfance au Burundi (FENADEB)a également critiqué la décision, la qualifiant d’interprétation erronée du règlement scolaire.
Ferdinand Simbaruhije, porte-parole de la FENADEB, explique que la décision a été motivée par une interprétation erronée du règlement scolaire qui met en péril le droit à l’éducation de ses élèves. « Les dispositions du Règlement scolaire prises pour référence dans cette décision ne sont pas pertinentes à la situation en question. »
Pour la FENADEB, l’article 35 de l’année 2020 stipule que la corruption prouvée pour avoir des avantages non mérités est sanctionnée par un renvoi et une non-admission dans aucun établissement pour l’année scolaire en cours.
L’article 68 du même règlement scolaire définit les fautes qui peuvent être considérées comme actes de corruption en milieu scolaire. Parmi ces fautes définies, aucune ne va dans le sens d’un élève qui serait contraint de payer pour assumer une faute commise.
« Ainsi, même si ce serait prouvé, l’acte posé par ces jeunes filles ne pourrait pas être considéré comme corruption selon le règlement scolaire en vigueur », ajoute Ferdinand Simbaruhije.
Il ajoute également que, dans l’année 2020, le même article indiquait qu’après enquête, un élève qui vole des biens scolaires ou d’autrui mérite un renvoi et une non-admission dans aucun établissement pour l’année scolaire en cours.
« Ici, il est clair qu’en décidant, la direction du lycée Busiga a considéré l’avocatier de l’école comme un des biens visés par l’article 35 à l’année 2020 du règlement scolaire. Dans ce cas, cette interprétation peut ne pas être correcte, car le vol d’autrui ou le maraudage est également une faute prévue face au même règlement scolaire. Selon l’article 35 alinéa 3, le maraudage ne mérite qu’un retrait de trois points en conduite et pas un renvoi définitif ».
La FENADEB appelle le ministre de l’Éducation nationale et de la Recherche scientifique à intervenir pour établir ces élèves dans leurs droits. « Nous recommandons que les autorités scolaires soient formées sur ce règlement scolaire afin d’éviter que de pareils incidents se reproduisent ».
Jacques Nshimirimana, commissaire à la CNIDH la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme, explique qu’il y a eu mauvaise interprétation du règlement scolaire, car la faute de maraudage est prévue à l’article 45 et non à l’article 35 et la sanction y relative est le retrait de 3 points en éducation et non le renvoi définitif de l’élève.
« Les sanctions contenues dans le règlement scolaire sont disciplinaires, correctionnelles et non pénales. Elles forcent les élèves à se conformer à la règle et à réparer le préjudice causé », a-t-il ajouté.
Selon Jacques Nshimirimana, le règlement garde à l’esprit que l’école est un milieu de socialisation au même titre que la famille et l’Église, « cela veut dire qu’en cas de commission d’une faute ne relevant pas du Code pénal, les autorités scolaires doivent corriger d’abord et, en cas de récidive, sanctionner dans l’ultime but de redresser l’élève fautif ».
Pour Jacques Nshimirimana, dans le cas du Lycée de Busiga, la sanction infligée aux 7 élèves n’est ni disciplinaire, ni proportionnelle à la faute commise et ne tient en aucun cas compte de l’intérêt supérieur de ces élèves.
Face à cette polémique, la directrice du Lycée de Busiga, Sœur Marie-Spès Kanyange, a exprimé son étonnement face à la controverse. « Je suis étonnée de voir resurgir deux mois après cette affaire pourtant clôturée avec le consentement de toutes les parties concernées », a-t-elle déclaré, tout en invitant « la partie lésée à saisir le ministre de l’Éducation pour trancher ».
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