juin
02
2015

Rwanda : pour la baisse des taux d’intérêt et accès aisé au crédit industriel

Inganda.jpg

Igihe LTD

Le Rwanda tourne avec un secteur bancaire très rigide qui l’empêche d’opérer des miracles économiques attendus d’ici 2020. Ce secteur qui tient en main tous les rouages de l’économie du pays semble s’être entendu pour ce qui est de la fixation d’un taux d’intérêt oscillant entre 17 et 19% pour les contractants de crédits nécessaires à la restructuration de leurs entreprises.

En ceci, le secteur bancaire, en toute indépendance et liberté, ne sait pas distinguer un crédit documentaire pour l’import export d’un crédit d’équipement industriel. Tous les deux seront rémunérés au même taux d’intérêt.
« Je fais tourner une industrie de recyclage des déchets en plastique pour produire des tubings agricoles et des sacs-poubelles. J’ai demandé à la BK un crédit de 390 millions de francs pour que je restructure mon industrie en achetant de nouvelles machines capables de produire des jerricans et des tuyaux PVC. Cependant, je me suis fait dire que ce crédit est risqué car je n’ai pas assez d’hypothèque pour le couvrir », a dit Thomas Rubayiza, PDG de EPEDER (Entreprise pour la Protection de l’Environnement et recyclage des déchets en plastique.

Ce monsieur environnementaliste a déjà amoncelé plus de 400 tonnes de cette matière première pour laquelle il utilise 80 ouvriers qui collectionnent ces emballages-déchets au dépotoir de Nduba et dans tous les hôpitaux du pays.
Selon cet entrepreneur, les machines à produire des jerricans en plastique et des tuyaux PVC de première qualité lui ouvriraient ainsi une voie à la restructuration de son entreprise qui veut également se doter d’un fonds consistant pour commencer à produire des clous et des vis. « Pour la Section Clous et vis, je cherche à m’équiper d’un camion qui fera le transport de matières premières (fer à béton) de Nairobi jusqu’à l’usine », a-t-il confié à la presse.

Dans un pays à urbanisation accélérée qu’est le Rwanda, Thomas est confiant qu’il rendra un précieux service à la Nation et qu’il est condamné à réussir. Pourquoi un accès difficile au crédit ? Les crédits sont-ils difficilement octroyés par les banquiers locaux ? Pourquoi Thomas n’a-t-il pas accès à ce crédit qui, d’après lui, serait remboursé dans les délais ?

Les avis d’experts sont nombreux.
« Quand un individu ou une entreprise requiert un crédit, la condition sine qua none est de disposer de garanties confortables et les présenter à une Banque Commerciale de la place. Celle-ci peut faire de la syndication avec les autres banques au cas où ses réserves ne sont pas suffisantes. Et puis, Thomas ne sait pas que le libéralisme économique que nous vivons actuellement lui permet de contracter des crédits auprès des banques étrangères. L’important est d’en informer la Banque Centrale », a confié à ce journaliste Jonathan S. Gatera, Directeur Général près la BNR en charge de la Financial Stability Directorate.
« Outre les taux d’intérêt qui sont énormes, la question est celle de la procédure d’avoir un crédit industriel. Avec un patrimoine de 500 millions de francs, il n’est pas possible que la Banque me prête 400 millions de francs. Il me faut quelqu’un pour m’avaliser. Pour les banquiers cette hypothèque n’est pas suffisante. Nous souhaitons vivement qu’il y ait un fonds industriel spécial », a confié à ce journaliste Issa Havugimana de HADJ Enterprise spécialisé dans la collecte et le traitement du Lait en ville de Nyanza.
Pour ce qui est des intérêts bancaires élevés tels que décidés par les Banques locales , 16.5 à 19%,
« La BNR ne peut qu’organiser une fois les trois mois des ‘Prudential meetings’ avec lesdites banques de la place où tous les défis sont discutés y compris cette question de Taux bancaires. La BNR ne peut que donner un taux de référence. Quand une Banque locale à court de liquidités se présente à nous, nous lui donnons des montants qu’elle souhaite à 6.5% d’intérêt.
Quand les institutions soucieuses de constituer des dépôts bancaires sont rémunérées pour 9% d’intérêt, nous pensons que ces taux de référence devraient être une base pour ces banques d’arrêter des taux exigés quand elles octroient des crédits », a tenu à expliquer Jonathan montrant que néanmoins ces banques ont une totale indépendance dans leurs décisions de crédit ; qu’outre la loi de l’offre et de la demande qui les guide, elles tiennent en considération les risques qu’elles encourent et autres charges occasionnées par cet exercice.
Somme toute, il faut dire que la Société civile rwandaise n’est pas efficace dans les réclamations légitimes des consommateurs. Si le libéralisme économique et financier est sacro saint au Rwanda, certaines sections dans la chaine de protection des droits des consommateurs ne sont pas actives.
« Partout où nous sommes passés dans notre visite des entreprises économiques de l’intérieur du pays, avec le Ministre du Commerce et Industries, les opérateurs économiques, tous sans exception, au bord des larmes, nous priaient :
« S’il vous plaît, faites quelque chose pour rabattre les taux bancaires. Nous allons être dans l’incapacité de remboursement de ces crédits bancaires (17-19%) à cause des taux élevés surtout la commercialisation de nos produits ne suit pas le mouvement. Les chiffres d’affaires que nous réalisons ne sont pas du tout confortables », ont-ils ainsi imploré le Ministre pour qu’il intercède en leur faveur auprès de l’autorité bancaire.

En effet, dans la recherche de ses profits, la banque commerciale qui offre un crédit à telle entreprise de production des biens, elle ne tient pas compte du fait que sa capacité de tournage, contrairement aux importateurs/exportateurs qui subissent des mêmes conditions bancaires, est un processus qui va réussir à donner des fruits une fois que le long processus de production aura été bouclé.
C’est ce qui se passe avec l’EPEDER (Entreprise de l’Environnement pour production et recyclage des sachets et autres matières plastiques) sise à Gikondo. Cette entreprise souffre de garanties bancaires insuffisantes. Sa tentative de s’équiper en machines efficaces est vaine du moment que le Ministère du Commerce et Industrie ou la Fédération du Secteur Privé ne fassent sa plaidoirie ou adoptent une position de cautionneur. Mais, parviendront-ils à plier les banques à rabattre leurs taux d’intérêts jugés exorbitants par tous les clients qui ne peuvent pas faire fonctionner leurs business sans leurs crédits ? Que fait l’ONG locale de Protection des droits du Consommateur ?
« Une loi sur la protection du consommateur est en passe d’être révisée au Parlement », a confié Jonathan Gatera qui évalue l’impossibilité d’exiger d’une banque commerciale de la place qu’elle revoit à la baisse ses taux d’intérêt. Et puis, d’après lui ; « la BNR a entamé une campagne populaire pour que les citoyens demandeurs de crédit négocient avec leurs banques des taux préférentiels ».
« Au fond, la question est du côté de l’individu ou d’une entreprise qui demande un crédit. Psychologiquement, il croit que c’est un privilège que le banquier lui accorde. Or ces banques gagnent beaucoup plus sur les crédits accordés plutôt que sur les dépôts. Les clients des banques doivent savoir négocier autant qu’ils le font sur d’autres marchés. Il n’y a que Zigama CSS qui a rabattu le taux d’intérêt jusqu’à 13%. Un client qui va négocier un crédit dans une banque, peut également négocier le taux pouvant passer de 18 à 15% », a confié Aimable Nkuranga, Country Manager de Transunion, institution chargée de centraliser toutes les informations concernant la situation des crédits dans le pays.

Par Jovin Ndayishimiye en collaboration avec Philbert Hagengimana d’Igihe.com, au Rwanda, pour Infos Grands Lacs

Langues: 
Genre journalistique: 
Thématiques: 

Partager