
Site de Mutambara : « Chassées par l’eau, remises dans l’eau »
A Rumonge, le calvaire des victimes des inondations suite à la montée des eaux du Tanganyika consécutive au changement climatique, n’en finit pas. Elles ont été délocalisées vers le Village III sur la colline Mutambara mais ces déplacés font face à de nouvelles inondations. Elles ont touché plusieurs installations.
Des familles entières sont plongées dans le désarroi. Les populations affectées ont dû quitter les lieux. Des maisons d’habitation, des bars, des kiosques, l’espace de vente et séchage du poisson et le port de Rumonge sont inondés. Une station-service pour les bateaux se trouve dans l’eau.
Au port de pêche, les toilettes ont été emportées par les eaux du lac Tanganyika. « Nous craignons les maladies des mains sales car le contenu de ces toilettes a été emporté par les eaux et les gens se servent de l’eau du lac pour faire la vaisselle et préparer le repas », se désole Mathias Niyungeko, capitaine de bateau depuis 45 ans.
Le port de Rumonge n’a pas été épargné. Les bureaux de l’autorité du lac Tanganyika de Rumonge sont en effet dans les eaux. Le transport maritime a été fortement touché. Pour le chargement ou le déchargement des bateaux, on doit parcourir plus de 100 m.
Pour le moment, le Burundi dispose de trois ports, à savoir celui de Bujumbura qui est le port principal ainsi que deux ports secondaires : celui de Rumonge et celui de Kabonga en commune Nyanza-lac. Ceux qui ne sont pas inondés sont menacés de l’être.
Des victimes pour la nième fois
Les victimes des inondations à Rumonge proviennent des quartiers comme Kanyenkoko, Nkayamba, Kizuka, etc. Ces déplacés sont regroupés dans le village III sur la colline Mutambara en zone Gatete. Ce site se situe au sud de la ville de Rumonge à moins de 10 km.
Le village aménagé pour les victimes de la montée des eaux du lac Tanganyika des périodes d’avant compte 185 ménages avec 1.340 personnes. Chaque famille est hébergée dans une maisonnette en bâches couverte de tôles. Un ménage se trouve dans une superficie de 20 sur 15 m.
Un total de 84 maisons sur les 185 que compte le village ont été inondées par des eaux. Les occupants ont quitté l’endroit pour demander l’abri chez d’autres déplacés qui sont encore épargnés.
Pour la plupart des maisons, des bâches sont déjà usées. Elles présentent plusieurs trous. D’autres risquent de tomber car le bois utilisé s’est vite dégradé. Certains sont endommagés à cause de l’eau et d’autres sont rongés par des termites.
Les habitants sont dans le désarroi. Ils réclament des vivres. Ils font face à la non scolarisation de leurs enfants, aux inondations, aux vols récurrents, aux bâches usagées.
Jacques Ndayizeye est un père de sept enfants. Il dit que nourrir sa famille est un casse-tête. Ils peuvent passer toute une journée sans manger. « En tant que père, c’est une humiliation et une honte de manquer de quoi nourrir sa famille. C’est triste ».
Sa maison se trouve dans la partie inondée du site des déplacés. Il indique qu’il a essayé de tracer des caniveaux pour maintenir sa maison en bâches à l’abri des eaux. « Nous avons fui les inondations, mais elles n’ont pas hésité à nous poursuivre ici », déplore-t-il.
Pour un autre habitant, il est regrettable que les victimes de la montée des eaux du lac Tanganyika soient installées sur un site inondable. Il précise que certaines victimes souffrent de la dépression, car, après avoir presque tout perdu dans les inondations, elles se retrouvent de nouveau sur un site inondable.
Le malheur ne vient jamais seul. Un autre problème concerne des chiens errants qui sèment la désolation dans ce village. Chaque ménage avait bénéficié de deux lapins. « Tous ces lapins ont été attaqués par ces chiens. Les enfants ont peur de se promener. Ils restent enfermés pour éviter des attaques éventuelles des chiens », dénoncent les habitants.
Selon Audacienne Niyonzima, responsable du village III, les déplacés font face à moult défis. Elle fait savoir que la situation est catastrophique. « A chaque fois, nous nous confions aux autorités administratives pour nous venir en aide. Nous attendons leurs actions »
Elle demande aux autorités et aux partenaires de leur construire des maisons en dur comme les autres citoyens. Elle considère que leurs maisons en bâches sont très fragiles et non sécurisées.
Les autorités sont au courant
Julius Juma Ruhuzo, chef de la colline Mutambara reconnaît cette situation lamentable. « Des enfants ne sont pas à l’école à cause de la pauvreté. La vie est très compliquée. Ces maisons sont très fragiles ».
Il dit que la situation a été présentée aux autorités compétentes. « En tant que chef de colline, je donne toujours des rapports à la commune. Je n’ai pas encore eu de réponses. Moi-même, je pleure pour faire entendre leurs cris ».
Il indique que beaucoup de victimes étaient des commerçants ainsi que d’autres personnes qui avaient des métiers et d’autres activités génératrices de revenus. Ils sont aujourd’hui dans le désarroi. Il fait savoir qu’ils ont besoin d’un capital pour commencer un business. Il demande d’abord des séances de sensibilisation pour une bonne gestion des fonds qu’ils pourraient recevoir.
Le chef de la colline Mutambara dit avoir des informations sur la menace que représentent les chiens dans ce site. Il confirme qu’ils entrent dans les maisons en bâches. Ils attaquent les lapins et les canards élevés dans les ménages. Il dit avoir transmis des rapports à sa hiérarchie pour intervenir. Aussi, un inventaire est en cours de réalisation pour savoir les dégâts causés par ces chiens. Les propriétaires devront assumer leurs responsabilités.
Selon Augustin Minani, l’administrateur de la commune Rumonge, celle-ci continue d’appuyer les victimes des inondations qui sont regroupées dans des sites. Il indique que certains ont reçu de l’argent pour commencer des activités génératrices de revenus.
Cet administratif reconnaît lui aussi qu’une partie du village III a été inondée. « La solution alternative était de tracer un caniveau pour drainer l’eau afin de l’empêcher d’envahir le site. Mais, cela demande beaucoup de moyens selon les experts. Ce qui est envisagé et possible c’est de délocaliser de nouveau les occupants de la partie inondée ».
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