UE-IFB : Le leadership féminin : En parler pour briser les barrières
L’Union européenne, en collaboration avec l’Institut Français du Burundi (IFB), a organisé le 30 novembre 2018 une conférence sur le leadership féminin à l’Université de Ngozi. Cinq panélistes provenant d’horizons différents ont animé le débat qui avait pour thème « le leadership féminin : une ressource pour la société »
Après l’Institut Français du Burundi (IFB) en octobre, c’était le tour de l’Université de Ngozi d’accueillir une conférence débat sur le leadership féminin organisée dans le cadre de la célébration de 40 ans de coopération entre l’UE et le Burundi. Hon. Vestine Mbundagu, spécialiste du genre, Alphonsine Bigirimana, avocate et membre de l’Association des Femmes Juristes du Burundi (AFJB), Laura Shéilla Inangoma , artiste, Eléonore Nkurunziza, commerçante à Ngozi et Egide RUSHANUKA, avocat étaient les cinq panélistes du jour. Ils ont évoqué le courage et la persévérance dont les femmes leaders au Burundi font preuve au quotidien
La communauté estudiantine de l’Université de Ngozi, les femmes leaders et celles réunies au sein des associations féminines des provinces Ngozi et Muyinga avaient répondu au rendez-vous.
Participation de la femme aux instances de prise de décision
La représentativité des femmes dans des instances de prise de décision a évolué au fil des années. Cependant, dans l’armée et la police, elle reste limitée.
« On parle d’une évolution de représentativité féminine signifiante dans des institutions. Mais quel est la participation de ce nombre ? », questionne Hon. Mbundagu. Au-delà du nombre, il nous faut bien sûr de la qualité. Nous avons besoin des femmes pour la transformation positive de la société, ajoute-t-elle. Pour elle, les femmes doivent occuper les places pour changer.
La mise en place des politiques
Par le passé le Burundi s’est doté de, de différentes politiques sur le genre. C’est entre autres la politique nationale genre, le guide d’intégration du genre dans le Programme National de Réforme de l’Administration Publique. Bien que les politiques sur le genre mises en place par le gouvernement aient été efficaces, leur mise en pratique demeure un problème. L’avocate Alphonsine Bigirimana en donne l’exemple : « Pour la politique nationale genre, il est prévu un organe d’exécution de cette politique. Malheureusement, au niveau de la première version de cette politique (allant de 2003 à 2010) mais aussi de la deuxième version (2012 à 2025), cet organe n’a pas encore été mis en place ».
Dans notre société, les femmes sont toujours victimes des conséquences liées à la reproduction. Hon. Mbundagu donne l’exemple : « La plupart des femmes sont souvent condamnées à rester au service jusqu’au dernier jour de la grossesse craignant de voir leur salaire diminuer de 25%. Et cela malgré que le statut général des fonctionnaires prévoit un congé de maternité et que celui-ci est conforme aux normes de l’Organisation Mondiale de la Santé. Le secteur privé érige toujours des barricades». La reproduction est une question sociétale non une question d’un individu » ajoute-t-elle.
Persistance des pesanteurs culturelles
Au Burundi, comme dans la plupart d’autres sociétés, la culture attribue aux filles et aux femmes des rôles et fonctions différentes de celles des garçons et des hommes. Cela engendre des situations inégalitaires qui freinent le développement. Les rôles « sexospécifiques » dans la société burundaise relèvent en effet d’une culture patriarcale très ancrée. C’est une culture patrilinéaire dans laquelle l’homme incarne l’autorité au sein du ménage, prend des décisions capitales et fournit les moyens de subsistance au sein du ménage. Ceci a pour conséquence que la femme burundaise n’a ni droit de succession, ni droit de propriété ni droit de contrôle des ressources. La femme rurale a pour principale responsabilité de cultiver les champs, de s’occuper du bétail, de s’approvisionner en eau, de porter des fagots de bois et de prendre soin de sa famille. Ces responsabilités familiales et domestiques sont souvent très lourdes et lui laissent très peu de temps à consacrer aux activités génératrices de revenus.
« Je suis choquée quand on me dit que parce que je suis une fille je n’ai pas le droit de construire ma propre maison. Que Je dois me contenter de mettre des meubles et des rideaux dans celle construite par mon mari », témoigne l’artiste Inangoma.
Eléonore Nkurikiye, commerçante dans la province de Ngozi, dit que les femmes commerçantes subissent des injustices liées souvent à des stéréotypes relatifs au genre. «Toutes les femmes burundaises rencontrent les mêmes difficultés. Les hommes ne nous donnent pas la parole. Ils préfèrent nous voir dans les coulisses » ajoute-t-elle.
« La culture doit être quelque chose qui fait avancer la société d’une manière positive. Est-ce que la femme du 21ème siècle doit être toujours considérée comme une gardienne de l’enclos ? » argumente l’avocat Rushanuka.
Le rôle de l’éducation familiale
Tout au long de cette conférence, les panélistes sont revenus sur le rôle de l’éducation que l’on reçoit dans la famille. Par ailleurs l’obtention des capitaux pour les femmes est un vrai combat car, même dans la famille, on a tendance à faire plus confiance aux garçons s’il s’agit de monter des projets. « Mes parents me parlent de la manière dont je vais m’occuper de mon mari et de mon ménage, mais jamais de la manière dont je vais m’exprimer en public ni de comment je vais entreprendre… », fait savoir Inangoma.
Pour les panélistes, le remède consiste à inculquer aux générations futures que les filles et les garçons sont égaux dès leur bas âge.
Le chemin est encore long mais que ce soit dans le panel ou dans le public, le message était presque le même : Pour construire une société, il ne faut pas garder la femme dans un rôle de reproduction seulement ou comme une main d’œuvre facile à exploiter. La société a besoin de lui donner une place significative pour atteindre un développement durable.
Le représentant de la délégation de l’UE présent à la conférence dans le débat a précisé que l’égalité des genres est un principe important que l’UE s’efforce d’incorporer dans toutes ses interventions dans le domaine du développement.
La conférence débat était modérée par Olivier Jayne, directeur délégué de l’IFB avec qui l’UE a initié un partenariat pour l’organisation d’une série d’évènements culturels et informatifs. La conférence figure parmi les activités interactives qui ont eu lieu à Bujumbura et à l’intérieur du pays.