Une annonce et beaucoup de questions
Le président burundais a annoncé qu’il ne briguera pas un autre mandat aux prochaines élections. Une ouverture, pour certains.
L’annonce la plus inattendue de cette année au Burundi ! Le jour de la promulgation de la Constitution, le président prend tout le monde de court et déclare qu’il ne briguera pas un autre mandat.
Tout était pourtant « bien parti » pour lui. La population « avait réclamé l’abandon de limitation des mandats, » comme l’a rapporté la Commission nationale du dialogue inter-burundais, la Cndi.
Et depuis, tout va s’enchaîner, très vite. Il y a d’abord cette déclaration à Rutana, lors d’une séance des questions publiques du 30 décembre 2016. Le chef de l’Etat déclare : «Si la nouvelle Constitution le permet et que la population le demande, je ne vais pas me dérober»
Ensuite, nous aurons droit à la mise en place de la commission chargée d’établir un projet de révision constitutionnelle, le président convoquera un référendum, qui a eu lieu le mois dernier. Durant ce processus, l’opposition, la communauté internationale, les analystes, tous y voient les ambitions à peine voilées du président Nkurunziza de continuer d’occuper le palais présidentiel. Un autre, plus beau et plus imposant est d’ailleurs en construction.
Bujumbura ne contredit pas les rumeurs. Par contre, certains officiels véhiculent de tels propos : « Ce n’est pas son intention, c’est celle de la population qui s’est exprimée, alors pourquoi se dérober ? ».
Mieux, toute manifestation organisée soit par le gouvernement ou le parti au pouvoir présente Nkurunziza comme un candidat vainqueur aux élections de 2020. Un président qui a d’ailleurs été sacré depuis quelques temps ‘Imboneza yamaho’, guide suprême ou permanent.
Bref, apparemment, tout avait été savamment orchestré durant ces deux dernières années. Tout obstacle à la présidence semblait avoir été écarté.
D’où cette question que tout le monde se pose actuellement : pourquoi renoncer maintenant ? Les hypothèses ne manquent pas. Pression du noyau des généraux au sein de son parti qui réclameraient une rotation de pouvoir entre leaders du parti, forte pression de la communauté internationale, etc. La version officielle, elle, dit que le « président respecte la parole donnée. »
Un analyste assure que les Burundais attendent que le président pose dans les jours qui viennent, d’autres gestes pour des élections libres et démocratiques.
Dans une conférence de presse tenue ce jeudi, le secrétaire général du Cndd-Fdd, Evariste Ndayishimiye a déclaré que le parti se prépare à trouver un autre candidat autre que Nkurunziza.
Analyse/ Après l’annonce, des actes !
C’est l’effervescence au sein du parti au pouvoir depuis l’annonce surprise du président de ne pas se présenter aux élections de 2020. Une bataille de positionnement pointe à l’horizon. Les candidats potentiels s’alignent, discrètement. Les Bagumyabanga auront la lourde tâche d’opérer le bon choix et de miser sur le «bon cheval» pouvant gagner la course. L’opposition essaie quant à elle de s’adapter rapidement à la nouvelle donne et réfléchir à la politique à adopter face à ce scénario plus que probable d’un 2020 sans Nkurunziza. Pour le moment, elle joue la carte de la prudence et évite de trop jubiler. Il faut peut-être rappeler qu’elle évoque depuis le début de la crise de 2015, que celle-ci commence avec l’annonce de la candidature de Pierre Nkurunziza aux prochaines élections. Pour l’opposition, à part la nouvelle Constitution, Nkurunziza et ses ambitions de se maintenir au pouvoir était jusque-là le nœud du problème. L’Union européenne et les Etats unis commencent déjà à réajuster leur positionnement. Il s’agit dans un premier temps de féliciter le président Nkurunziza de sa décision. Un symbole. Mais pour l’Occident, il faut également des garanties notamment en matière de respect des droits de l’Homme, l’ouverture de l’espace politique en vue des élections libres et crédibles. Le moins que l’on puisse dire, c’est que peu importe les raisons qui l’ont poussé au renoncement, la cote de popularité de Pierre Nkurunziza a quelque peu remonté. Néanmoins, les attentes des Burundais sont grandes quant à la gestion de la suite des évènements. Ils espèrent que le pouvoir va prendre de bonnes décisions.
iwacu-burundi.org