« Winner takes all »
Le Cndd-Fdd va pratiquement gouverner seul. C’est ce qui saute aux yeux au vu du nouveau gouvernement. L’exécutif burundais a été formé à l’aune de la règle du «Winner takes all ». Un seul parti gouverne, les quelques « outsiders » ne pèsent pas lourd. Par *Egide NIKIZA
Un seul parti va décider seul en Conseil des ministres. Certes, on peut signaler la présence du président du parti pour l’indépendance économique du Burundi (Piebu), une formation politique carrément absente sur l’échiquier politique, propulsé ministre des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux et une autre illustre inconnue, la représentante de la communauté « Batwa » qui hérite du portefeuille de la solidarité. Mais il ne faut pas être un grand analyste politique pour se rendre compte que ces deux-là ne pèsent rien. « Juste pour le décor », disait un homme politique burundais.
En passant, rappelons qu’il n’y a aucune entorse aux textes légaux. En effet, contrairement aux dispositions de la Constitution de 2005, la nouvelle autorise le parti qui obtient 50% des sièges aux législatives d��envoyer au gouvernement l’ensemble des ministres.
Pourtant, dans son discours d’investiture le 18 juin, le président de la République, avait fait explicitement la volonté « d’associer d’autres personnalités qui ne sont pas de son parti. » Au stade Ingoma donc, le Général-Major Evariste Ndayishimiye avait déclaré avoir été ébloui par les programmes de ses concurrents au poste de président de la République à la présidentielle du 20 mai et qu’il envisageait même de les impliquer dans ses chantiers :
«Je voudrais également remercier tous les autres candidats présidentiels car certains de leurs projets ne seront pas jetés aux oubliettes. Qu’ils ne soient pas étonnés si demain ils sont sollicité pour apporter leur pierre à l’édifice car je ne doute pas qu’ils aspirent tous à un Burundi digne et prospère. Ne doutez pas, Ensemble nous y arriverons », a déclaré le successeur du « Guide suprême » devant le peuple et le monde entier au Stade Ingoma.
Pas de voix dissonante à l’exécutif
Aujourd’hui, force est de constater que parmi les 15 membres du nouveau gouvernement, aucun n’est de l’opposition. Encore plus, le nouveau locataire du Palais de Kiriri n’a associé aucun des 6 candidats malheureux à la magistrature suprême.
Parmi les personnalités nommées, certains ne se reconnaissent pas officiellement dans des partis politiques. Mais là encore c’est à prendre avec des pincettes. Le Général Gervais Ndirakobuca alias « Ndakugarika » promu au poste de ministre de l’Intérieur, du développement communautaire et de la Sécurité publique est l’un des hauts gradés de la Police Nationale. Membre des corps de sécurité tout comme le premier ministre, il ne lui est pas permis d’afficher son appartenance politique.
Néanmoins ancien frère d’arme des deux Généraux « têtes » de l’exécutif au sein du Cndd-Fdd, plus d’un pensent, à tort ou à raison, que celui dont la charge cumule les portefeuilles qui revenaient à trois ministres dans le gouvernement sortant, pencherait (naturellement) pour le parti tenu par ses camarades.
De son côté, l’ancien gouverneur de Kirundo nommé ministre de la Défense, Alain-Tribert Mutabazi est un Mugumyabanga actif du Cndd-Fdd.
La nouvelle Constitution n’impose plus le gouvernement de coalition. Le Président Ndayishimiye et son Premier ministre sont en droit de faire un tel gouvernement. Mais la même Constitution permet toujours au vainqueur d’associer d’autres forces politiques, de construire sur l’inclusion que l’exclusion.
Dans un pays blessé comme le Burundi, une telle configuration est gage d’apaisement.Ceci n’est pas une vue de l’esprit. Souvenez-vous, le président Melchior Ndadaye a confié la primature dans son gouvernement du 10 juillet 1993 à un membre de l’opposition. En plus, 4 partis faisaient partie de son équipe : son parti le Frodebu avec 14 membres, l’Uprona, 3 membres et un membre pour le PP et le RPB, partis qui avaient battu campagne à ses côtés.
Le président Ndadaye avait aussi associé deux militaires, le lieutenant-colonel Charles Ntakije, ministre de la Défense et le lieutenant-colonel Lazare Gakoryo nommé secrétaire d’Etat au ministère de la Défense chargé de la sécurité publique.
Lors de son investiture, le président “Neva” avait dit que ‘‘c’est dans l’union que sera notre force’’.Certains y ont cru. Mais il paraît qu’en politique les promesses n’engagent que ceux qui y croient…
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