Covid-19 : L’ONU s'inquiète de la non transparence et le non respect des standards internationaux
La Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi se dit préoccupée par l’avancée de la pandémie de COVID-19 et son impact potentiel sur la population burundaise. Elle note que le Gouvernement a déjà pris certaines mesures comme inviter la population à appliquer les mesures de protection et d'hygiène préventives, suspendre les vols internationaux de passagers et placer en quarantaine obligatoire les voyageurs en provenance des pays les plus touchés.
Cependant ces mesures demeurent insuffisantes pour faire face à la pandémie actuelle, qui représente un défi sans précédent pour tous les Etats, et encore plus pour ceux en situation de crise économique comme le Burundi, où les systèmes de santé sont fragiles et plus de 70% de la population vit au jour le jour en dessous du seuil de pauvreté.
La Commission souligne que les droits de l’homme doivent être la clef de voûte de toute réponse apportée par le Gouvernement Burundais à la pandémie.
Conformément à ses obligations internationales, notamment celles relatives aux droits à la vie et à la santé, le Gouvernement doit protéger sa population et donc tout faire pour enrayer la propagation du coronavirus et soigner les malades, tout en garantissant le respect et la protection de tous les droits de l’homme, dont le droit à l’alimentation et les libertés fondamentales.
Le ministre de la santé, Burundi, inspectant les points de lavage des mains.
La Commission rappelle que les libertés d’information et d’expression sont des droits fondamentaux particulièrement importants lors d’une pandémie. Elles doivent être pleinement respectées et protégées et ne devraient pas être indûment restreintes afin d’empêcher la diffusion de données étayées qui contredisent celles avancées par les autorités ou celle d’informations et d’idées questionnant ou critiquant les mesures adoptées par le Gouvernement.
Au contraire, une information complète et transparente au sujet des risques sanitaires, le taux de transmission du coronavirus, des moyens de mitiger la transmission et des traitements disponibles est indispensable pour encourager la population à participer et appliquer d’éventuelles mesures restrictives.
Mauvaises conditions de vie dans les lieux de mise en quarantaine
La Commission regrette que certaines organisations humanitaires aient été empêchées d’accéder à des sites où des personnes sont placées en quarantaine dans des conditions déplorables alors que ces dernières devraient recevoir suffisamment de nourriture, d’eau potable et avoir accès aux facilités sanitaires et aux services médicaux.
Le ministre de la santé, Burundi.
Les mesures prises en réponse à la pandémie ne doivent pas être discriminatoires, ni avoir pour effet d’exacerber les inégalités et vulnérabilités existantes, et elles doivent être adaptées à la réalité du contexte burundais où une partie importante de la population survit grâce à des emplois informels.
L’accès aux soins médicaux et aux médicaments doit être garanti à tous, sans distinction basée sur le sexe, l’opinion ou l’appartenance politique, l’ethnie, la religion, le statut social ou la nationalité. Les personnes les plus vulnérables, dont les rapatriés, les enfants en situation de rue, les femmes chefs de foyer et les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, doivent être particulièrement protégées.
Libération des prisoniers...
D'après les experts de l'ONU, étant donné la surpopulation des prisons burundaises, la promiscuité forcée entre les personnes détenues et l’accès restreint aux soins médicaux et d’hygiène, les personnes privées de leur liberté sont extrêmement à risque en cas de propagation du virus.
Prion centrale de Mpimba, Bujumbura.
La Commission réitère sa recommandation de libérer immédiatement les personnes détenues arbitrairement comme les défenseurs des droits de l’homme Germain Rukuki et Nestor Nibitanga, les journalistes d’Iwacu et tous ceux détenus pour des raisons politiques, ceux ayant déjà purgé leur peine ou bénéficié de la grâce présidentielle. Les détenus à titre préventif ainsi que les prisonniers en fin de peine devraient également être remis en liberté.
Au niveau global, des mesures complémentaires devraient être prises afin d’atténuer l’impact de la pandémie sur la population burundaise et notamment sur sa capacité à se nourrir, se vêtir, se loger et à maintenir son hygiène personnelle puisque déjà plus d’1,7 million de personnes ont besoin d’assistance humanitaire.
Les mesures prises par les autorités pour lutter contre la propagation du coronavirus ne devraient pas perturber les chaînes d’approvisionnement indispensables à la disponibilité des produits de première nécessité ou à l’acheminement de l’aide humanitaire.
La coopération, seule moyen de combattre le Covid-19
La Commission appelle les autorités burundaises à coopérer de manière étroite avec les organisations internationales et non gouvernementales.
Elle invite le Gouvernement burundais à mettre en œuvre immédiatement les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, notamment sur la distanciation sociale, et encourager toutes les initiatives allant dans ce sens, y compris au niveau individuel, au lieu d’en menacer les auteurs.
Elle appelle également le Gouvernement à développer le plus rapidement possible un plan pour faire face à la menace du coronavirus et apporter du secours aux personnes qui en ont besoin, tant par son effort propre qu’en demandant l’assistance et la coopération internationales si ses moyens ne sont pas suffisants.
Toutes les entraves aux opérations humanitaires et sanitaires devraient être levées immédiatement et les autorités burundaises devraient faciliter la mise en œuvre du Plan global d’action humanitaire pour faire face à la pandémie COVID-19, qui identifie le Burundi comme l’un des pays bénéficiaires prioritaires. La Commission appelle, par ailleurs, la communauté internationale à soutenir ce plan de réponse à la crise mondiale.