15 ans plus tard, les Banyamulenge victimes du massacre de Gatumba réclament toujours justice
C'était il y a quinze ans, jour pour jour. Dans la nuit du 12 au 13 août 2004, un camp de réfugiés congolais Banyamulenge est attaqué au Burundi. Cela se passe à Gatumba, tout près de Bujumbura.
D’après le dernier bilan, cette attaque a fait 166 morts et 116 blessés parmi ces résidents civils congolais.
Selon les témoignages, “la plupart étaient couchés quand des assaillants venus du Congo, parlant kirundi, mais aussi kinyarwanda et swahili ont attaqué le camp de Gatumba pendant plus de deux heures. Deux longues heures sans aucune intervention”.
Ces victimes ainsi que leurs familles, attendent toujours, 15 ans plus tard, que justice leur soit rendue.
Une procédure pénale a été ouverte en 2013 au Burundi, mais celle-ci est restée au point mort depuis 2014, ce que fustige la communauté Banyamulenge vivant au Rwanda.
Ce mardi, cette communauté a procédé à la commemoration du triste anniversaire de ces massacres.
“Nous réclamons toujours justice. C’est la honte pour le pays qui avait accueilli ces congolais, le pays d’origine qui est le Congo et pour l’ONU qui avait en mains ces populations sous la protection du HCR. Il incombe au gouvernement de rendre justice aux survivants de l’attaque et aux familles des victimes”, a déclaré Mr Alexis Nkurunziza, un des représentants de la communauté Banyamulenge au Rwanda.
Pour se souvenir des leurs, ces congolais ont d’abord été au site mémorial du génocide commis contre les Tutsi en 1994, situé à Gisozi dans la capitale Kigali.
“C’est en fait lié. Ceux qui reposent ici sont victimes de leur ethnie Tutsie, de même que les Banyamulenge tués au Burundi en 2004. Et puis, ceux qui ont commis le génocide contre les Tutsi au Rwanda sont parmi les assaillants de Gatumba” a essayé de faire un lien pour expliquer ce geste, Mr Binama Prince, président de l’association estudiantine de cette communauté.
Les Banyamulenge, au site mémorial de Gisozi
Dans la fraicheur des faits, le Front national de libération (FNL) mouvement rebelle d’alors contre le gouvernement du Burundi avait revendiqué cette attaque sur des radios locales et internationales, avant de se rétracter.
“Cette situation est incomprehensible du moment qu’il y a des gens qui ont revendiqué le massacre et qu’après 15 ans, rien n’ait été fait. C’est faire une chose et son contraire car ces mêmes personnes ont été placés dans de bons postes comme Agathon Rwasa premier vice président de l’assemblée nationale” laissent entendre ces rescapés de Gatumba.
Agathon Rwasa, alors chef du mouvement rebelle FNL rejette toute respinsabilité.
“Je n'étais pas sur les lieux. Je n'ai pas revendiqué ni commandé moi-même ces massacres. Et donc, que celui qui les a revendiqué sur les médias l'assume. Et je trouve que ce dossier devrait être traité par la justice transitionnelle qui s'occupera des crimes de guerre commis au Burundi pendant la crise” a réagit sur les médias en 2014 l'honorable Agathon Rwasa.
Cette communauté a déclaré que cette affaire va être portée devant la cour pénale internationale, CPI.
“Normalement cette cour devrait s’être saisie car on remarque un manque de volonté politique de la part du Burundi et de la RDC” a-t-il souligné, ajoutant que “tot ou tard les bourreaux seront punis”.
Plusieurs rapports et notamment de l'ONU et de Human Rights Watch indiquent que “ce massacre avait été soigneusement planifié, que c'étaient bien les Banyamulenge congolais et non pas d'autres ethnies qui avaient été visés puisque les autres camps situés autour avaient été épargnés”. Et, ces Banyamulenge parle “d’un génocide”.
Le slogan, #kwibuka15
L’Ong internationale de défense de droits de l’homme Human Rights Watch, HRW, en appelle à la conscience de la communauté internationale pour lutter contre l’impunité.
“Les autorités burundaises devraient prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les responsables du massacre de Gatumba soient jugés de manière crédible et impartiale”, a affirmé Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch.
HRW ajoute que “l’absence de poursuites pénales pour des meurtres commis par un camp offre souvent un prétexte à ceux qui veulent commettre des meurtres pour l’autre camp, et la justice est indispensable à la prévention de nouvelles atrocités”.
Ces défenseurs de droits humains soulignent que “mettre fin à l’impunité dans cette affaire de référence aiderait les personnes affectées par cette attaque à tourner la page après des années de souffrance, et démontrerait que le concept de responsabilité est pris au sérieux au Burundi”.