Burundi: Mouvement croisé de rapatriés et d’exilés
Selon les nouvelles données du Haut Commissariat des Réfugiés, au moins 300 burundais demandent asile chaque mois dans les pays limitrophes comme le Rwanda, la RDC ou encore l’Ouganda. Le HCR rapporte que depuis le début de cette année, plus de 18 000 réfugiés burundais ont été aidés à rentrer chez eux essentiellement en provenance de la Tanzanie.
Ce mouvement croisé de burundais qui fuient et d’autres qui rentrent a été également remarqué par l’International Refugee Rights Initiative, IRRI, une organisation non gouvernementale internationale qui plaide en faveur des réfugiés.
Dans son nouveau rapport sur le rapatriement des réfugiés burundais, IRRI rappelle qu’en août 2017, les gouvernements de Tanzanie et du Burundi et le HCR ont tenu une rencontre tripartite pour discuter de l’assistance aux réfugiés burundais qui souhaitaient retourner volontairement chez eux. IRRI critique le consensus qui s’est dégagé lors de cette rencontre.
“Le Burundi utilise les retours de réfugiés pour s’efforcer de prouver que le pays est stable et contrer ses détracteurs, pour qui la crise initiale des réfugiés était le signe que le Burundi se dirigeait vers le chaos. Quant au gouvernement tanzanien, tout en cherchant à maintenir des liens étroits avec le gouvernement burundais, il est déterminé à mettre les besoins de ses propres ressortissants au-dessus de ceux des étrangers et a exercé diverses formes de pression sur les réfugiés pour les pousser à rentrer” détaille le rapport.
Malgré la confusion suscitée par ces positions différentes, le HCR a rapporté en août dernier qu’il avait déjà aide près de 75 000 réfugiés à retourner au Burundi depuis septembre 2017.
Selon cette ONG, la plupart des réfugiés qui sont revenus au Burundi depuis la Tanzanie l’ont fait en raison de facteurs incitatifs dans le pays d’accueil, et non pas parce qu’ils pensaient que les conditions au Burundi s’étaient améliorées.
“Interrogés, ces rapatriés évoquent l’aggravation de la situation humanitaire dans les camps de Tanzanie, l’interdiction d’y exercer des activités économiques et les agressions subies par les réfugiés lorsqu’ils sortent des camps pour chercher du travail ou ramasser du bois de chauffage” ajoutent les chercheurs d’IRRI.
Politiques d’assistance negligée
Quand ces rapatriés arrivent sur le sol burundais, ils reçoivent un kit de retour consistant en de l’argent, de la nourriture, des outils et d’autres denrées.
“Alors que le kit est censé durer trois mois, il a vite été épuisé. Des dirigeants locaux, surtout au niveau de la colline, tirent profit de la situation pour solliciter des pots-de-vin en échange de l’inscription sur une liste de bénéficiaires. Le choix des bénéficiaires est injuste, parce que les fonctionnaires locaux de la colline, chargés de sélectionner les bénéficiaires, demandent 2 000 à 10 000 francs pour vous mettre sur la liste”, ont fait savoir ces rapatriés.
D’autres n’ont pas d’abris. “Je suis revenu en novembre 2018. J’ai constaté que des gens avaient complètement détruit notre maison. Avant, ceux qui revenaient recevaient des tôles de toiture et une aide financière, mais les réfugiés revenus récemment, comme nous, n’ont pas pu obtenir ça. Comme nous n’avons rien à offrir, nous sommes exclus. Par contre, les membres du CNDD-FDD sont inscrits et reçoivent nos tôles de toiture. Il n’y a personne à qui se plaindre” témoignent plusieurs d’entre eux.
Exclusion sociale et politique
D’après le nouveau rapport d’IRRI, au-delà des questions liées à l’assistance, ces rapatriés sont mal vus par ceux qui sont restés, ainsi que les autorités locales et le parti au pouvoir.
“Il y a des gens qui nous insultent, nous traitent de déserteurs ou de moins-que-rien. Ils disent que nous avons abandonné le pays au plus fort de la crise et que nous revenons avec plein d’argent pour acheter des terres” indiquent ces burundais.
D’autres accusent les Imbonerakure, jeunes du parti au pouvoir de les maltraiter et de contrôler leur accès à l’assistance et leur participation à la vie publique.
“ Ils ne nous font pas confiance parce que nous avons fui et que maintenant nous sommes de retour. Ils nous mal- traitent et nous disent que nous aurions dû rester dans les camps” disent-ils.
Une autre difficulté majeure que rencontrent ces burundais est l’accès au logement et à la propriété. D’après le HCR, seuls 33 % des foyers de retour ont pu se loger dans l’habitation qu’ils possédaient avant de s’enfuir.
La première cause était la dégradation des maisons : 83 % des personnes qui ont pu accéder à leur maison ont rapporté qu’elle n’était pas habitable à leur arrivée.
Malgré les efforts des autorités locales pour protéger les propriétés, dans toutes les communes couvertes par ce rapport, il s’est produit de nombreux cas de vol de matériaux de construction et de récoltes, surtout par les membres de la famille des propriétaires.
Le HCR et l’IRRI recommandent à la Tanzanie et au Burundi de s’assurer que toute personne soit rapatrié sur son propre gré suivant les normes internationales de protection de droits de réfugiés.