Commune Gihanga : controverse autour d’une expulsion
Plus de 2000 personnes ont été chassées de leurs ménages dans la localité de Kagarama, ce 20 février 2017, sur ordre du gouverneur. Elles l’accusent de convoiter leurs champs, ce que réfute l’intéressé.
Zone Buringa sur la route Bujumbura-Cibitoke, à deux cent mètres du cimetière de Mpanda. Un groupe d’hommes, femmes et enfants, apparemment désabusés, ne sachant pas quoi faire ni où aller, est entassé en bas de la route. Certains sont debout, d’autres, dont des enfants, sont assis à même le sol.
A quelques mètres, une femme, allongée sur une natte, a visiblement du mal à respirer. A côté d’elle, deux autres femmes sont en pleurs. « Où va-t-on aller », lâche la première. « Pourquoi sommes-nous traités de la sorte alors que nous sommes des Burundais », renchérit la seconde.
Selon Jean-Paul Nduwumukama, l’un des expulsés de Kagaragara, sept camions remplis de policiers et militaires lourdement armés ont débarqué dans leurs ménages dans la matinée de lundi 20 février. Ils ont ordonné à tout le monde de quitter les lieux. « Ceux qui vont s’y opposer seront battus puis emprisonnés. »
La plupart décide alors de se réfugier devant les bureaux de la zone Buringa. Mais le repos sera de courte durée car le lendemain vers 5h du matin, une dizaine de policiers et militaires les encerclent et les chassent de la zone Buringa. « Nous avons expliqué au chef de zone que nous n’avions nulle part où aller et il nous a rétorqué d’aller louer des maisons à Maramvya, Rukaramu, sinon de disparaître tout simplement comme si nous étions de l’’air. »
Une décision qui passe mal
Ces familles estiment subir une injustice car elles sont installées sur place depuis 1952 pour certains. « Je suis née ici, m’y suis mariée et j’ai cinq enfants dont l’aîné est en classe terminale»
Bien plus, indiquent-elles, l’Ombudsman avait plaidé pour qu’elles restent dans leurs ménages, lors de la 1ère expulsion fin décembre de l’année passée. « A l’époque, il avait été décidé que le gouverneur nous trouve d’autres terres où nous installer et nous donne des vivres tous les 15 jours, mais rien n’a été fait. » Et d’accuser le gouverneur de se cacher derrière des raisons sécuritaires et la volonté de protéger la réserve de la Rukoko : « Ces dignitaires se sont rendus compte que nos terres sont fertiles et ont décidé de nous en chasser par la force pour se les approprier. »
Pire, accusent ces familles, il existe des étables de vaches à l’intérieur de la Rukoko, mais comme ces vaches appartiennent à des dignitaires, personne n’ose les toucher.
Contacté, Tharcisse Niyongabo, gouverneur de Bubanza, rejette ces accusations : « La demande de l’Ombudsman était provisoire. Il n’a jamais été question qu’elles y restent indéfiniment. »
De plus, explique le gouverneur, les ministres de la Sécurité publique, de la Défense et de l’Intérieur ont fait une descente dernièrement sur les lieux. « Nous avons analysé cette question en profondeur en présence de ces populations qui prétendent y être nées. Mon équipe les a recensés et a vérifié leurs cartes nationales d’identité. Nous savons que 80% de ceux qui y vivent louent des maisons, 90 % ne sont pas natifs de Gihanga. » C’est pourquoi nous leur avons dit de partir où elles sont venues.
Triste et incompréhensible
Pour le député Fabien Banciryanino, élu dans la circonscription de Bubanza, ce qui arrive à ces habitants de Kagaragara est triste parce qu’il avait été convenu fin 2016 que l’administration allait les reloger ailleurs. « C’est incompréhensible de chasser des milliers de gens sans leur montrer où se réinstaller. »
A la question de savoir si les arguments avancés par l’administration sont fondés et ce qu’il compte faire en tant que député pour venir en aide à ces populations, le député se dit dépassé et ne pas comprendre la décision du gouverneur : « Ces arguments seraient fondés si le gouverneur leur avait montré où aller, sinon ils ne tiennent pas la route. »
Et de conclure qu’il est bizarre de chasser des gens pendant que le gouvernement appelle ceux qui ont fui le pays à renter : « Si ces habitants fuyaient à leur tour vers la RDC, ira-t-il les convaincre de rentrer alors qu’il les a chassés ? »