Des réfugiés Rwandais bientôt sans nationalité ?
A l'approche de l'expiration du moratoire relatif à la clause de cessation du statut de réfugié pour les Rwandais, les différentes parties concernées s'interrogent quant au sort de près de 250 mille réfugiés.
Plus que quatre mois, avant l’expiration du moratoire relatif à la clause de cessation du statut de réfugiés pour les Rwandais, situation qui inquiète les milliers de réfugiés rwandais, éparpillés dans différents pays depuis le génocide de 1994.
Cette clause décrétée par le Rwanda stipule qu’à partir du 31 décembre prochain les réfugiés rwandais vivant dans différents pays du monde ne seront plus identifiés comme tels.
Cette clause de cessation du statut de réfugiés stipule que les Rwandais vivant à l’étranger en tant que réfugiés ont jusqu’à la fin de l’année en cours pour rentrer au Rwanda, pays d’origine, ou s’installer définitivement dans le pays d’accueil.
Environ 280 mille réfugiés rwandais vivent encore dans 20 pays du monde dont près de 250 mille en République démocratique du Congo, selon les chiffres annoncés en décembre 2016 par l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
La RDC avait lancé en avril 2015, l’opération de recensement biométrique et accélérer le rapatriement volontaire des réfugiés rwandais établis sur son sol. Censée durer 6 mois, l’opération n’a enregistrée que 42 000 réfugiés jusqu’en mai 2016 avant sa suspension à cause de l’insécurité. Alors que la date butoir approche à pas de géant, des citoyens congolais se demandent que deviendront le reste des réfugiés rwandais vivant encore sur le sol congolais.
Des citoyens sans identité ?
Dans des déclarations faites récemment à la presse locale, la ministre rwandaise chargée des Réfugiés et de la gestion des catastrophes, Séraphine Mukantabana, assurait « tout réfugié rwandais qui ne sera pas au Rwanda d’ici le 31 décembre 2017, cessera d’être considéré comme réfugié rwandais. ».
Julien Paluku, le gouverneur du Nord-Kivu (Est), province congolaise où vivent des milliers de réfugiés rwandais, estime pour sa part qu’il n’appartient ni au pays d’origine (Rwanda) ni au HCR d’évoquer la clause de cessation du statut de réfugié, mais au pays d’asile.
Intervenant sur les ondes de la radio onusienne (Radio Okapi), Paluku a souligné que la RD Congo ne peut pas accepter que le Rwanda lui déverse sa population. « Il n’y a pas de place pour les citoyens rwandais en RDC », a-t-il souligné.
Un avis partagé par Mwaila Tshiyembe directeur de l’institut panafricain de géopolitique en France, qui fait remarquer à son tour que le Rwanda n’est pas le mieux situé pour décréter la clause de cessation du statut de réfugié mais plutôt les pays d’accueil.
Il trouve, en outre, que l’application, le 31 décembre 2017, de la clause de cessation de statut de réfugiés des exilés rwandais en RDC, est "précipitée".
L'expert préconise, par ailleurs, la création d'une commission tripartite Rwanda, HCR et RDC afin de discuter les modalités pour élaborer un bon plan de retour et reprendre le recensement biométrique afin de permettre à ces réfugiés de regagner leur pays d’origine.
Shopper Kasiki, un autre analyste politique, pense qu’en décrétant la clause de cessation du statut de réfugié, le Rwanda a réussi un jeu politique tout en gagnant le soutien des pays voisins et de la communauté internationale.
Kasiki estime, en outre, que le Rwanda fait pression car il cherche à se débarrasser des réfugiés qui constituent une grande source d’insécurité dans la sous-région des Grands-Lacs.
« Le gouvernement rwandais joue à la politique et sait qu’une fois au pays, ses réfugiés ne constitueront plus aucune menace pour lui», dit-il.
Accusés de collaborer avec les FDLR (forces démocratiques pour la libération du Rwanda) qui déstabilisent l’Est de la RDC, les réfugiés rwandais plaident, de leur côté, pour la relance des opérations de recensement, rapatriement et réintégration avant l’expiration du moratoire.
Regroupés au sein de la société civile rwandaise, ces réfugiés disent craindre l’application de la clause de cessation du statut de réfugié. « Le moratoire va expirer alors que nous n’avons pas de statut légal. Nous risquerons de tomber dans l’apatridie», craint Justin Beringirwa, président de la société civile rwandaise cité par radio Okapi.
La question des réfugiés rwandais relève du droit international et le gouvernement rwandais ne doit pas l’utiliser pour faire pression sur le pays d’asile ou sur ses réfugiés, souligne encore Kasiki, ajoutant qu' "un pays n’est pas une prison où il faut dire qu’à un moment donné si vous n’êtes pas au Rwanda vous perdez l’identité rwandaise".
La majorité des réfugiés actuels ont quitté le pays à la suite du génocide rwandais de 1994. En décembre 2011 le HCR a approuvé la clause de cessation du statut de réfugié pour le Rwanda mais en prolongeant l’application de ce statut jusqu’au 30 juin 2013 et puis jusqu’au 31 décembre 2017.
imburi.info