La Cour d’appel de Londres tape sur les doigts du deal migratoire rwando-britannique
Il s’agit d’un sévère camouflet pour le gouvernement, qui voulait par une de ses mesures-phares décourager l’immigration illégale.
La justice britannique a déclaré, jeudi 29 juin, « illégal » le projet controversé d’expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.
La cour d’appel a estimé que le Rwanda ne peut être considéré comme un « pays tiers sûr car les déficiences du système d’asile y sont telles qu’il peut y avoir un risque réel que les personnes envoyées au Rwanda soient renvoyées dans leur pays d’origine où ils étaient en proie à des persécutions et autres traitements inhumains».
Et d’ajouter : « Toute expulsion vers le Rwanda constituerait une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui dispose que personne ne peut infliger à quiconque des blessures ou des tortures”, a estimé la cour d'appel.
Le jugement était très attendu, tant cette politique est l’une des plus emblématiques du gouvernement britannique. La secrétaire d’état et ministre de l’intérieur Suella Braverman a immédiatement critiqué ce jugement.
« Nous sommes déçu et en profond désaccord avec le jugement. Nous allons chercher comment saisir la cour suprême pour interjeter appel.
La politique de ce gouvernement est très simple. Nous voulons résoudre ce problème d’immigration clandestine qui coute énormément d’argent des contribuables pour prendre en charge ces migrants », a-t-elle dit.
« Nous allons faire le tout possible pour que l’accord soit mis en application. Le Rwanda est un pays sûr, j’ai été sur terrain, j’ai vu comment ce pays s’emploie à prendre de bonnes mesures pour sécuriser les réfugiés, et d’ailleurs il a accueilli une centaine de milliers des personnes qui cherchent l’asile », a souligné la ministre de l’intérieur britannique.
Justement cette décision peut encore faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême, mais sans espoir d’aboutir selon les analystes et activistes des droits humains comme Human Rights Watch qui ont exhorté la ministre de l'Intérieur Suella Braverman à abandonner ce qu’ils qualifient de « rêve fiévreux, impraticable et contraire à l'éthique ».
Kigali déclare avoir pris acte de la décision mais s’insurge contre son contenu.
“Le gouvernement rwandais reste engagé dans l’accord avec Londres prévoyant l’expulsion de migrants clandestins de Grande-Bretagne vers le Rwanda, malgré cette décision. Si cette décision appartient en dernier ressort à la justice britannique, nous contestons le fait que le Rwanda ne soit pas considéré comme un pays sûr pour les réfugiés et demandeurs d’asile », précise le communiqué officiel du gouvernement rwandais.
« Le Rwanda est l’un des pays les plus sûrs et stables au monde et nous sommes reconnus par le HCR et d’autres institutions internationales quant à la prise en charge des réfugiés. Les rwandais savent bien ce que c’est quitter le pays, être réfugiés et commencer la vie ailleurs. Raisons pour laquelle la société rwandaise et le gouvernement ont construit un environnement stable et digne de prise en charge de migrants et réfugiés », conclut Kigali.
La lutte contre l’immigration illégale fait partie des priorités du gouvernement de la première ministre, Rishi Sunak.
Malgré les promesses du Brexit de « reprendre le contrôle », plus de 45 000 migrants ont traversé la Manche depuis la France à bord de petites embarcations en 2022, plus qu’aucune autre année. Et ils sont déjà plus de 11 000 cette année à avoir fait de même.
En décembre dernier, la Haute Cour de Londres avait donné son aval au projet d’avril 2022 d’en expulser certains vers le Rwanda, projet depuis à l’arrêt en raison des recours en justice et des critiques des organisations internationales de défense des droits humains.
Aucune expulsion n'a encore eu lieu. Un premier vol prévu en juin 2022 avait été annulé après une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) réclamant un examen approfondi de cette politique.
Le plan d'envoyer les demandeurs d'asile vers le Rwanda avait été annoncé alors que Boris Johnson était Premier ministre, dans le but de décourager les traversées clandestines de la Manche.
En 2021, 27 personnes ont perdu la vie en essayant de traverser ce détroit, l'un des plus fréquentés du monde. Au moins quatre autres sont morts l'an dernier.