La géopolitique à la tête de l’expulsion des étudiants congolais du Burundi
Plus de 130 congolais sont expulsés du Burundi en deux mois. Ces jeunes congolais qui vivent et étudient au Burundi depuis quelques années sont arrêtés par la police burundaise et déportés, dans la plupart des cas sans leurs effets personnels et sans aucun moyen de se rendre chez leurs familles au Congo.
La police burundaise a expliqué qu’elle a déjà refoulée 138 congolais dont 119 au mois de septembre et 19 au mois d’Août. Parmi les refoulés figurent des étudiants. « Il s’agit d’un travail de routine comme les autres pays le font », a déclaré le porte-parole de la police burundaise dans une conférence de presse de ce lundi.
Selon les témoignages de leurs familles, ces derniers sont jetés à la frontière par des camions de police dans lesquels ils sont entassés comme des sardines, comme des criminels sous une humiliation totale.
Pourtant, ces étudiants paient leurs frais de scolarité pour fréquenter les universités privées de la capitale économique burundaise, Bujumbura. Non seulement ils enrichissent ces universités, mais ils contribuent également à enrichir l'économie locale.
Les congolais expulsés, selon M.Nkurikiye habitait les zones de Kanyosha, Kinindo, Bwiza, Nyakabiga, Gihosha et Kamenge dans la capitale économique Bujumbura. Tous, souligne-t-il, sont des « sans papiers ».
À leur arrestation, le porte-parole de la police explique qu’ils brandissent des documents spéciaux de circulation valables pour les burundais, les congolais et les rwandais dits «CEPGL », Communauté économique des pays des grands lacs. Pour lui, ces derniers ne leur donnent pas le droit d’établissement dans le pays.
M.Nkurikiye leur demande de se chercher des « visas d’établissement » pour ceux qui travaillent au Burundi ainsi que des « visas pour étudiants » pour ceux qui étudient au Burundi.
Il indique que plus de 60 burundais ont aussi été expulsés ces derniers jours en provenance de la République démocratique du Congo, de la Zambie et de la Tanzanie.
La géopolique derrière cette expulsion
Le Burundi, le Congo et le Rwanda font partie d’un bloc régional jadis dynamique appelé Communauté Economique des Pays des Grands Lacs. L'un des principes de ce bloc régional est la liberté de circulation des citoyens. Les étudiants congolais, en particulier ceux qui vivent dans la province du Kivu, ont toujours fait partie de la population estudiantine au Burundi.
De ce fait, Bujumbura compte une très grande population congolaise, dont une grande partie sont au Burundi depuis l'occupation coloniale belge du Burundi.
D’après plusieurs analystes, cette chasse à l'homme et ces déportations massives dirigées contre des étudiants congolais semblent indiquer “une certaine frustration qui s'installe de plus en plus et semble frustrer les relations entre Bujumbura et Kinshasa”.
Ces analystes expliquent que la RDC de Kabila était considérée comme un allié proche du Burundi. “La RDC a aidé le régime en place à déjouer les tractations de nombreuses rebellions ou groupes armés qui avait Bujumbura dans leurs champs de tir” font-ils remarquer.
Aujourd'hui, ajoutent-ils, il y a un nouveau chef à Kinshasa. Le nouveau maître de Kinshasa semble tracer son propre chemin. Du moins sur la plan de la diplomatie régionale.
Dès son installation en janvier dernier, l’une de ses premières activités diplomatiques et internationales a consisté à jouer le rôle de médiateur avec le président angolais, entre Museveni et Kagame. Il a d'ailleurs déposé une demande d’adhésion à l'EAC, un bloc régional dans lequel le régime de Bujumbura se sent de plus en plus mal.
Ensuite, pour un de ses premiers voyages hors de la RDC, Felix Tshisekedi a choisi Kigali. Il a ensuite effectué une visite officielle en Tanzanie et, de retour chez lui, il a brièvement transité par Bujumbura, où il n'est resté que quelques heures.
“Les photos du président congolais nouvellement élu en compagnie de son homologue Rwandais Paul Kagame, l'ennemi juré de Bujumbura, ont renforcé la perception à Bujumbura d'une RDC qui n'est plus intéressée par une élite burundaise isolée sur la scène internationale” font savoir des analystes de la géopolitique.
Et de souligner qu’il semble donc que “déporter des étudiants de la RDC est une façon du régime Burundais d'exprimer son mécontentement contre le nouveau président de la RDC. Les étudiants congolais semblent avoir été un fruit très bas choisi par le Burundi pour capter l’attention de Tshisekedi. Donc, les étudiants congolais sont victimes de la proximité entre Kigali et Kinshasa”.
Des étudiants congolais vivant au Burundi ont entamé un mouvement de grève depuis ce lundi pour protester contre leur « expulsion ».