juin
18
2018

Le Dr Emmanuel Nsengiyumva de l’UNATEK organise un colloque sur Nayigiziki

L’écrivain oublié Savio Nayigiziki, auteur d’œuvres posthumes Mes transes à trente ans et l’Optimiste, fait l’objet d’une réhabilitation par Emmanuel Nsengiyumva, Docteur en Lettres et responsable du Campus Rulindo de l’UNATEK.

Un mini colloque est donc organisé par l’UNATEK-Rulindo autour de l’œuvre de Savio Nayigiziki (1915-1984) avec l’appui logistique de la CNRU/Commission Nationale Rwandaise pour l’UNESCO. Emmanuel Nsengiyumva a pris soin d’inviter beaucoup d’intellectuels qui ont connu de près ou de loin cet écrivain rwandais que le régime colonial belge et les deux premières républiques ont pris soin de mettre dans l’ombre. 

 

Raison 

« Il ne dérangeait personne mais il était singulier, anticonformiste », ont semblé dire les intervenants qui ont pris la parole montrant qu’il était en avance de son temps et qui, vers la fin de ses humanités latines, en seconde latine, élève excessivement brillant, est renvoyé de l’école pour avoir montré tôt qu’il était en désaccord avec l’ordre colonial qui bousculait en mal la société rwandaise d’alors.

L’analyse du discours de son œuvre par le Dr Emmanuel Nsengiyumva révélera que cet écrivain qui traverse muet son siècle « libre et original, est en quête d’un monde africain nouveau, pacifique et convivial ».

En effet, des témoignages entendus au cours de micro colloque montrent un Nayigiziki très intellectuel qui fait l’interprète du dernier vrai roi du Rwanda, Mutara III Rudahigwa (1931-1959), avant d’être promu Sous-chef dans le Bunyambilili où il s’adonnera à la bière et se confondra avec la population locale.

« Un jour qu’il partageait le vin avec ses dirigés, ceux-ci ont remarqué qu’il ne cessait d’aller au petit besoin pour soulager sa vessie. N’y tenant pas, ils lui ont demandé s’il ne souffrait pas. Au contraire, leur avait-il dit, le vin que vous produisez est très bon. Il entre agréablement dans mon corps, a-t-il poursuivi avant de leur cracher de façon affable que ce vin qui entrain en symbiose avec son corps était différent d’eux qui étaient difficilement gouvernables », a dit Laurent, ancien député au Parlement rwandais participant aux travaux de ce mini colloque montrant par cette boutade que l’homme Savio était affable et distingué dans toutes les situations qui s’offraient à lui.

Réhabiliter l’homme et l’écrivain

Les chercheurs invités aux travaux de ce mini colloque sur Nayigiziki et son œuvre posthume, les Docteurs Emmanuel Nsengiyumva, Emmanuel Ahimana (Collège de l’Education près l’Université du Rwanda) et Isaie Nzeyimana, philosophe de l’Université du Rwanda, ont analysé la nature profonde de l’homme qui écrit ses ‘Mes Transes à Trente Ans’ et ‘L’Optimiste’, pour se terrer dans un long silence traversant les régimes du Président Grégoire Kayibanda (1962-1973) et de Juvénal Habyarimana (1973-1994).

Le Dr Emmanuel Nsengiyumva, dans sa communication ‘‘Nayigiziki dans le courant de la littérature francophone africaine des années 50’’ tente de classer l’œuvre « Mes Transes à trente ans » dans la riche littérature négroafricaine florissante alors. Il ne parvient ni à la classer dans le roman du désenchatement, du roman colonial, du roman historique ou du roman de la désillusion… pour conclure à un Savio Nayigiziki « homme libre et original » ; original dans le sens où sa pièce de théâtre ‘‘L’Optimiste’’ n’obéit pas non plus à la règle des Trois Unités d’alors.

Pourtant, d’après les témoignages donnés par des gens qui l’ont connu, d’après son style de vie très simplet, il se dégage en lui une déception subtilement cachée et qui refuse l’ordre colonial puis administratif proposé à la nation rwandaise. Ne se confond-il pas avec la masse populaire ? N’est-il pas très anticonformiste en refusant d’entrer dans la catégorie des évolués où le pouvoir colonial veut le placarder autant que les autres Astridiens, Séminaristes et moniteurs (enseignants d’alors) ?

« Invité dans une fête du grand monde de Butare, il débarque dans une tenue simple de tous les jours. Prié de retourner mettre la tenue des grandes fêtes, il s’exécute et de retour dans la salle des fêtes, il est entouré d’égards », a témoigné le Vice-Recteur de l’UNATEK, M. Kaneza, montrant que par la suite, toutes les boissons qui lui seront servies seront versées dans les poches de sa veste.

« Je suis venu et vous m’avez prié de retourner chez moi mettre des habits des grands jours. Autrement dit ce sont eux qui ont été invités et non moi », aurait-il répliqué aux convives qui lui demandaient pourquoi il était si désagréable et peu bienséant.

L’homme déçu

Savio Nayigiziki, au moment où il écrit ‘Mes Transes à trente ans’, est si fin au point qu’il manie parfaitement sa plume pour cacher sa déception de l’ordre colonial introduisant et entretenant des classes sociales en lieu et place où les Rwandais d’alors vivaient une vie paisible et insouciante sous le règne de la féodalité avec ses fonctions guerrières, foncières et bovines et des mouvements sociaux ascendants et descendants dans les deux classes sociales (dirigeants-dirigés) qui existaient.

La désillusion qui le peuple vient-elle du fait de l’indépendance bâclée en 1962 avec pour précurseur le ‘Manifeste de Bahutu’ rédigé en 1957 dans les bureaux de l’Evêché de Perraudin de Kabgayi et donné à Kayibanda Grégoire, le porte étendard de ce mouvement divisionniste qui allait donner lieu en 1959 au parti PARMEHUTU (Parti pour l’émancipation des Hutu) ayant les germes du génocide des Tutsi ?

« Alors qu’il enseignait le latin aux élèves fréquentant le Petit Séminaire de Save dans les années 60 où le PARMEHUTU et Kayibanda régnaient de main de fer, Savio profitant des dernières minutes avant la fin de sa tranche horaire, il surprend ses poulains :

‘Ne prenez pas pour modèle Grégoire Kayibanda à la fin de votre cursus académique. Il est impensable de voir un père de la nation rwandaise diriger un parti PARMEHUTU qui ségrègue son peuple. Si pour lui les Bahutu sont chéris, que deviendront les tutsi alors que tous ont une même origine Gihanga ?’ »,

a dit Evode Kalima, ancien député au Parlement rwandais et témoin vivant de l’auteur Savio Nayigiziki qui a bien longtemps lutté silencieusement pour la Rwandité souvent en silence et des fois avec des déclarations qui montraient que les régimes qu’il traversait incompris jusqu’en 1985 allaient droit vers la consommation de la faillite de la société rwandaise tout idéologiquement appuyés qu’ils étaient tour à tour par la Belgique administrante d’alors et la France mitterrandienne qui a accompagné la finalisation du projet génocidaire qui a fait son long chemin depuis l’an 1957.

Le Docteur Emmanuel Nsengiyumva promet d’inviter une grand parterre de chercheurs en lettres pour décembre prochain pour une étude approfondie de cet ecrivain rwandais passe aux oubliettes de l’histoire.

igihe.com

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