Quand le refus de visa bloque la coopération
L’UB est sous le coup de la suspension du programme d’appui institutionnel de l’Ares, depuis le 3 juillet dernier. Le refus de visa à un gestionnaire de ce programme a été l’élément déclencheur.
Nos sources font savoir que le cas particulier du professeur Emmanuel Klimis, gestionnaire du programme d’appui institutionnel, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Elles disent qu’il n’a reçu aucune justification pour les deux tentatives de demande de visa. «Deux refus successifs en un intervalle d’un mois sans même lui faire parvenir une notification.» A ce sujet, la réponse à la demande du professeur Klimis a été «défavorable». C’est la réaction de Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de la Sécurité publique, chargé de délivrer les visas.
Cet universitaire belge devait effectuer une mission au Burundi en juin dernier pour «échanger sur des questions que l’Ares se pose sur son partenariat avec l’UB.» Dans une délégation de quatre personnes, seule sa demande rencontrera une fin de non-recevoir. La 2ème tentative connaîtra le même sort.
Nos sources indiquent que le professeur Klimis voyage pourtant régulièrement au Burundi depuis 2004 pour des raisons de coopération et de recherche universitaire. «Celle-ci porte sur les Etats dits fragiles et sortant de conflit dans la région des Grands lacs.»
La suspension de coopération entre l’Université du Burundi (UB) et l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur en Belgique (Ares) serait aussi l’aboutissement d’une évaluation sur une longue période. Des sources sous anonymat au sein de l’Ares soutiennent que cette décision résulte des inquiétudes répétées depuis plus de deux ans.
Elles évoquent entre autres le manque de l’essence universitaire de base. La liberté d’expression, droit reconnu dans le milieu universitaire, n’est plus une garantie. Les universitaires burundais sont scrutés dans leurs interventions. Pas d’engouement critique comme il en était le cas avant la crise. La conséquence : ils se dérobent à leur devoir d’éclairer l’opinion.
Les interventions de Klimis fâchent
En qualité de chercheur, poursuivent-elles, il s’est exprimé ces deux dernières années, notamment sur le Burundi. Ses interventions s’inscrivaient dans l’ «éclairage d’un public belge qui connaît mal ou pas du tout ce pays. »
En outre, elles font savoir que l’universitaire de Saint-Louis a signé deux cartes blanches : «Une en mai 2015 demandant à la Belgique de se positionner sur la crise au Burundi. Une autre en avril 2016 attirant l’attention sur les limitations visibles que commençait à connaître la liberté d’expression au Burundi.»
Pour nos sources, le professeur Klimis n’a pas manqué son visa en raison de sa signature des deux cartes. «D’autres collègues belges à qui les autorités n’ont pas refusé de visa ont également signé ces deux textes.»
Gaspard Banyankimbona, recteur de l’UB parle d’un malaise chez ses partenaires. Il évoque la possibilité d’une réorientation de la coopération avec l’Ares, « surtout que celui qui n’a pas eu le visa est gestionnaire du programme.»
D’après lui, le professeur Emmanuel Klimis devait effectuer, le 4 juin, une mission dans le cadre du projet de l’école doctorale. «Malheureusement, un sur les quatre partenaires n’a pas eu le visa.» Il confie que les trois autres ont décidé de ne pas faire le déplacement : «Cela nous a préoccupé. »
La programmation du lancement de l’école doctorale, poursuit-il, a été maintenue telle que prévue. Le recteur indique que ses partenaires ont décidé de reporter leur séjour. «Malheureusement, encore une fois, le même partenaire s’est vu refuser son visa.» Il confie que cela a créé un malaise chez ses partenaires.
L’heure n’est pas au gel de la coopération
M. Banyankimbona tranquillise. L’approche de dialogue est privilégiée des deux côtés. Les ponts ne sont pas coupés avec l’Ares : «Il n’y a pas moyen que le dialogue n’aboutisse pas à une issue favorable.» Il rappelle que la coopération Ares-UB est de longue date : « Ce n’est même pas une coopération, c’est une tradition. »
Il dit que le paiement des primes pour des informaticiens est maintenu pendant trois mois. «Le temps que va durer l’approche de dialogue préconisé pour lequel on est d’accord.» Ce biologiste précise que l’école doctorale n’est pas concernée par la suspension. Elle est financée par le projet de formation sud.
Pour Bernard Quintin, ambassadeur du royaume de Belgique, l’heure n’est pas au gel de la coopération. «Après deux ans de crise, on tente la reprise.» Mais il indique que le chemin est encore semé d’embûches. Pour le cas de figure, l’ambassadeur Quintin souligne que son gouvernement n’intervient pas.
Une réunion doit avoir lieu dans les plus brefs délais au sein de l’Ares sur la situation. Et elle sera suivie d’une rencontre avec les autorités de l’UB pour décider de la suite de la coopération.
Ce programme soutient la bibliothèque, les services informatiques, l’assurance qualité et la gouvernance universitaire. Etabli sur 3 ans (2017-2019), il totalise plus d’un millions d’euros.
Historique de la coopération UB-Ares
L’Ares soutient l’UB depuis 2003. Son soutien passe par un appui à des projets d’enseignement : le diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en droits de l’Homme et en environnement et le master en journalisme. Elle soutient également des projets de recherche. Notamment sur la didactique des sciences dans l’enseignement secondaire et l’élevage de la chèvre naine au Burundi. En outre, elle passe par un programme d’appui institutionnel : gouvernance universitaire, service qualité, service de communication, formation doctorale, informatique et ressources documentaires. Et c’est ce seul programme qui a été suspendu par l’Ares. Les programmes d’appui à l’enseignement et à la recherche qui ne sont pas terminés continuent. Les programmes d’appui institutionnels successifs, entre 2003 et le programme 2017-19 en cours, comptabilisent un montant total de près de 4 millions d’euros. Un montant plus ou moins égal à celui-ci représente le total des appuis à des projets d’enseignement et de recherche depuis 2003.
iwacu-burundi.org