nov
15
2022

RCA: L’ex-commandant de la Seleka jugé par la CPI

L’ex-commandant de la Seleka est accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, commis en Centrafrique entre avril et août 2013. À l’époque, il dirigeait l’Office central de répression du banditisme à Bangui où de nombreux détenus auraient été torturés.

Debout face aux trois juges, Mahamat Saïd Abdel Kani a plaidé « non coupable » des sept chefs d’inculpation avant de laisser la parole au bureau du procureur.
L’accusation a détaillé son dossier. Le rôle d’intermédiaire de Mahamat Saïd, qui répercutait les ordres émis par le chef Nourredine Adam aux miliciens présents à l’Office central de répression du banditisme (OCRB). Les détenus y étaient enfermés dans des conditions effroyables, souvent battus et parfois torturés. Ils étaient tous ciblés pour leur soutien supposé au président renversé François Bozizé. Certains des rebelles de la Seleka seraient évolués en République démocratique du Congo.

Pour l’accusation, ces actes font partie d’un plan plus large destiné à conserver le pouvoir. « Les charges d’emprisonnement, de persécution, de torture sont les conséquences d'actes répétés. C'est une violence ancrée entre les anti-balaka et la Seleka, a déclaré un avocat du bureau du procureur.
« C'est une tragédie de tant de pays et c'est certainement la tragédie de la République centrafricaine, que ces groupes focalisés pour le pouvoir et non pour l'intérêt du peuple qui, bien trop souvent, a été rattrapé ou pris pour cible et a souffert, comme un pion dans un jeu plus large », a-t-il ajouté.

Les représentants des victimes admises au dossier ont ensuite pris la parole, représentées par un témoin, ancien officier de la police. Il ne cache pas si son identité ni son visage.

Une vingtaine de victimes sont enregistrées dans cette affaire. Elles ont connu les cellules et le cachot de l’OCRB, les coups de matraques et pour certaines, l’arbatachar, une méthode de torture approuvée par Mahamat Saïd, selon l’accusation. L’avocate du bureau de représentation des victimes à la Cour a, elle, décrit les séquelles, les handicaps et les cauchemars qui les hantent depuis presque 10 ans.

Le bureau du procureur a aussi évoqué les entraves à la reconstruction.

« Outre les séquelles physiques et psychiques, toutes ont besoin de comprendre les raisons de ces traitements inhumains pour essayer de reconstruire leur vie sur de meilleures bases et tenter d’oublier, même si le climat sécuritaire qui prévaut aujourd’hui en Centrafrique ne participe pas à leur bien-être quotidien. En effet, leurs bourreaux d’antan ont été incorporés soit au sein de l’armée, de la gendarmerie et de la police, ou continuent d’occuper de hautes fonctions au sein de l’administration centrafricaine ». « C’est le prix de la paix », aurait dit l’une de ces victimes.

La parole est désormais à la défense. Elle nie toutes les allégations portées contre l’ex chef rebelle de la Seleka.
À l’époque des crimes reprochés, la Centrafrique vivait dans « le chaos et la criminalité », pas dans la guerre, ont affirmé les avocats de la défense. Les défenseurs de l’accusé s’appuient sur des analyses faites par le CICR et l’ONU. Pour conclure que si le pays n’était pas en guerre, il n’y a donc pas de crimes de guerre. La française, Maitre Jennifer Naouri a reproché à l’accusation une vision simpliste de la situation en 2013.

« Nous démontrerons lors du procès que les thèses de l’accusation s’éloignent de la réalité centrafricaine et que tout son édifice est bâti sur du sable, des fausses prémisses, des a priori, des amalgames historiques, culturels et politiques. », dit-elle pendant l’audience publique de ce lundi 14 novembre 2022.

Pour Mahamat Saïd, la Seleka n’était pas organisée, elle ne disposait pas d’une chaîne de commandement, comme l’a expliqué maître Naouri : « La supposée ou présupposée Seleka n’existe pas comme un groupe structuré, organisé et si elle n’existe pas comme un groupe structuré et organisé, elle ne peut pas prendre part à un conflit armé et elle ne peut pas se muer en structure étatique», a défendu Maitre Jennifer Naouri.

Selon les avocats, les acteurs de cette coalition de partis politiques ne pouvaient donc pas avoir élaboré de concert une politique pour commettre des crimes contre l’humanité.

Si au terme de ce procès, l’accusé est reconnu coupable par les juges, elles pourront demander des réparations. Mais il faudra encore plusieurs années avant que la procédure soit close. Mahamat Said Abdel Kani risqué une peine de 25 ans de prison ferme.

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