Rwanda: Les burundais en exil se souviennent des victimes de la crise de 2015
26 avril 2015-26 avril 2019, quatre ans jour pour jour viennent de s’écouler après le déclenchement de la crise politique au Burundi.
A ce dimanche du mois d’avril 2015, la société civile, l’opposition, le mouvement féminin, les syndicalistes, les universitaires et d’autres leaders d’opinion ont appelé à des manifestations contre un autre mandat présidentiel du président actuel Pierre Nkurunziza. Un mouvement qu’ils ont baptisé “Halte au 3ème mandat”.
Quatre ans après, presque tous les tenants de ce mouvement et ceux qui y ont participé sont en exil.
Politiciens, avocats, universitaires, journalistes, jeunes, hommes d’affaires, tous en exil, se sont rassemblés dans une salle de conférence à kigali au Rwanda pour une réflexion et marquer la quatrième commémoration des victimes de cette crise.
“C’est l’occasion de se souvenir des nôtres, de nombreuses victimes de ces manifestations, jeunes, femmes et vieux” a souligné le président du comité des réfugiés urbains, Mr Patrice Ntadohoka.
Deux orateurs à l’ordre du jour.
Un avocat pour parler du retour à la légalité constitutionnelle et un activiste féministe pour parler du rôle de la femme dans cette “lutte pacifique”.
Dressant le bilan des “quatre années d’exil et de lutte”, l’homme de droit parle d’un “échec” et “d’un pas non rassuré vers l’avant”.
D’après lui, “la constitution et l’accord de paix d’Arusha de 2000 ont été violé par le pouvoir et ceux qui devraient lutter pour le redressement de la situation n’y sont pas parvenu au juste temps”. De là, il déduit un pas en arrière mais “facile à rattraper, avec une prise de conscience” dit-il.
Par “un pas non rassuré vers l’avant”, un jeune de l’audience ajoute au menu de l’homme de droit “un début commun de lutte dans les premiers mois de 2015 au Burundi et un mi-chemin dérouté dans les premiers mois de 2019 en exil”.
Cet intervenant et l’orateur convergent sur “une nécessité de conjuguer les efforts pour attraper le temps perdu”.
L’activiste féministe, lui, d’une voie élégante, interpelle tout un chacun sur désir ardent de revenir sur les valeurs d’humanité, d’amour de la patrie et d’union qui fait la force.
Sûre d’elle même, elle parle d’un apport significatif des femmes dans les rues de Bujumbura un peu avant le coup d’état manqué. “C’est d’ailleurs des femmes qui sont arrivées en premier au centre-ville avant même les jeunes” dit-elle.
“J’entend souvent des gens se demander quand allons-nous rentrer, où est-ce que vous en êtes avec la lutte pacifique, quoi faire…” rappelle-t-elle. “Je dis souvent à ces gens: mais quel est votre apport individuel, toi” ajoute-t-elle.
Et pour conclure, cette jeune femme lance une phase ou plutôt une recommandation qui ne laisse pas indifférente l’audience. “Nous avons tant attendu une solution miraculeuse qui tomberait du ciel, et voila quatre ans après, nous continuons toujours d’attendre….., il est grand temps de se lever comme un seul homme pour mettre avant des actions pratiques et non des discours, des murmures ou des critiques négatives”.
Insurrection ou manifestation pacifique
Le parti au pouvoir, le Cndd-Fdd, a de son tour accusé ces burundais d’avoir organisé un mouvement insurrectionnel avec comme but de renverser les institutions. Le secrétaire général de ce parti, Evariste Ndayishimiye l’a indiqué, jeudi 25 avril 2015, quand ce parti célébrait quatre années au pouvoir de son candidat “contesté” alors que “désigné en toute légalité”.
Des accusations balayées d’un revers de la main par la plupart des jeunes burundais, vendredi 26 avril, à Kigali.
“Nous avons voulu refuser au candidat présidentiel d’alors Pierre Nkurunziza de briquer un 3ème mandat, en violation de toutes les lois du pays” affirment-ils avant d’ajouter que leur mouvement était “pacifique, national, multiculturel et non ethnique”.
Ils regrettent d’avoir assisté “aux répressions sanglantes de la part de la police nationale”.
L’heure des témoignages
Presque tous ont affirmé avoir vu un ami, un parent ou un frère/une soeur se faire tuer par une balle “tirée par la police”, d’autres ont échappé de justesse ou ont subi des séances de tortures dans les services secrets (service national de renseignement), d’autres encore ont vu les leurs embarqués dans des pick-up policiers pour ne plus revenir.
Les rapports des défenseurs de droit de l’homme et de l’ONU montrent qu’au moins 2000 personnes ont été tuées, plus de 1000 disparitions forcées, plus de 10 milles détenus et plus de 400 milles exilés, en grande partie dans les pays de l’EAC.
“Cet exercice de violation de droits de l’homme continue même aujourd’hui” dira un ancien administratif de Bujumbura.
Un collectif des avocats burundais a décidé de porter plaintes devant la cour pénale internationale, CPI.
Selon un de ces avocats, “plus de 1600 dossiers ont été déjà déposés et la CPI est en train de faire un examen juridique avant d’émettre des mandats d’arrêts aux présumés auteurs de ces violations de droit de l’homme au Burundi”.